Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 19.djvu/415

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour l’administration des biens communaux, que l’indépendance du conseil municipal est complète sur ce point, et qu’en cela consiste l’affranchissement des communes. Il conviendrait, une fois pour toutes, de se fixer sur certaines règles, de les admettre résolument, ou de les répudier comme des inutilités ou des leurres dangereux. Nous parlons souvent des principes de 1789, et de temps à autre il nous en coûte une révolution pour y revenir. Presque tous les gouvernemens ont tenu à honneur de les inscrire sur leur drapeau depuis cinquante ans ; mais ils sont partis de points assez opposés dans l’application qu’ils en ont faite. Les règles posées par l’assemblée constituante en matière politique et sociale sont-elles donc si flottantes et si incertaines ? Du moins laissent-elles dans la loi municipale une empreinte facile à reconnaître. Nous ne pensons pas qu’il y ait lieu de l’effacer, comme on propose de le faire, en vue d’un bien que la loi municipale n’est nullement impuissante à produire ; nous sommes convaincu, pour notre part, que l’amodiation n’exige point un tel sacrifice. Un jour, dans le choix d’une commission, Colbert, voulant imposer sa volonté aux états de Provence, reçut du président cette réponse : « Nous croyons, dans ce pays, notre mal à moitié guéri, quand nous le traitons nous-mêmes. C’est à la vérité une fantaisie plutôt qu’une réalité, mais qui fait beaucoup ici-bas. » C’était une bonne réponse pour les assemblées provinciales ; mais les communes ne pourraient-elles pas en dire autant aujourd’hui ?

Si cependant les communes résistaient systématiquement à l’amélioration de leurs biens ! La crainte d’une pareille résistance nous touche peu. On a amené l’administration locale à exécuter des choses plus difficiles et peut-être beaucoup moins profitables pour elle que la culture des biens. La persuasion est un grand levier en toute chose, et le gouvernement ne manque pas de moyens de faire comprendre ses vœux. Aux communes qui hésitent, parce qu’elles entrevoient des dépenses premières, que l’on fasse quelques avances ; à celles qui résisteraient à la mesure par un de ces aveuglemens étranges qu’on est obligé de supposer pour justifier l’intervention d’office, par un mauvais vouloir coupable, que le gouvernement et les conseils-généraux fassent entendre qu’elles ont alors moins de droits aux fonds de secours, mais surtout qu’autour de ces résistances improbables l’exemple se produise, et l’on verra s’il ne sera pas bientôt suivi. Il faudrait désespérer du régime municipal et des libertés qu’il assure aux populations, s’il devait fatalement prêter à d’aussi absurdes entêtemens que ceux que l’on imagine. Présumons-nous trop de la sagesse municipale ? En 1839, le conseil-général de la Côte-d’Or, sans attendre de loi sur cette matière, dressa un projet