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Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 19.djvu/895

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monopole auquel nous aurions pu prétendre dans la Méditerranée. Nous avons encore moins bien réussi dans le nord de l’Europe; nous avons laissé le marché central se fixer dans un pays isolé, que sa position extrême ne désignait nullement pour cet avantage. L’Angleterre est actuellement l’entrepôt réel des pays du nord. Grâce à son activité commerciale, il s’y produit un fait inexplicable au premier abord, celui d’un pays qui a un déficit énorme de récoltes, et qui, malgré ce déficit, ou plutôt à cause de ce déficit, à cause des nombreux arrivages qu’il occasionne, se livre à une exportation de grains importante, et surtout de farines. Le commerce anglais ne s’est point toujours livré à cette lucrative spéculation : elle date d’une mesure que quelques-uns redoutaient comme une catastrophe publique, que tous ne tentaient qu’avec défiance.

Plus d’une cause a contribué à nous priver de cet entrepôt général : nos habitudes commerciales trop limitées au marché national, dont le monopole nous est garanti, les difficultés de transports par terre, à peine levées par l’établissement des chemins de fer; mais il faut surtout s’en prendre à la législation douanière des grains, qui est ou qui était en vigueur (on ne sait lequel des deux, du passé ou du présent, employer à l’égard de nos tarifs, tant il y a d’incertitude en cette matière). Il est des marchandises qui peuvent supporter des droits d’entrée ou de sortie même considérables : les produits riches, précieux, sont dans ce cas. Tout ce qui ne répond pas à un besoin impérieux, mais qui s’adresse seulement à la classe opulente, peut être taxé sans que la vente en soit arrêtée; il n’en est pas de même des grains. Le blé est une denrée commune, dont les prix, compensés par les distances, ne diffèrent jamais beaucoup d’un lieu à un autre. Ce n’est donc qu’une pente très faible qui en détermine le mouvement. Prenons pour exemple l’exportation, qui, il y a quelques semaines à peine, avait encore lieu pour l’Espagne. L’hectolitre acheté à Marseille 18 fr. 50 c. se vendait 20 fr. à Barcelone; nos droits de sortie sont momentanément de 25 c; la taxe d’entrée était un peu plus forte en Espagne. Les droits payés, il restait à peine 1 franc net. Ce franc devait donc représenter à lui seul les frais de transport, le bénéfice du négociant, et parer aux avaries sur mer et aux déchets inévitables tant au chargement qu’au déchargement; ce qui veut dire que le bénéfice par hectolitre du négociant pouvait être classé parmi ces quantités que les géomètres nomment des infiniment petits; aussi l’accroissement des droits espagnols a-t-il suffi pour l’arrêter subitement.

Le tarif en vigueur jusqu’à la franchise actuelle dont nous jouissons provisoirement, en d’autres termes l’échelle mobile, avait l’inconvénient de se maintenir presque constamment à un taux qui entravait les mouvemens commerciaux. Aussi les importations ne