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ploitation, et elle n’a pas changé depuis, pour obliger de la sorte à ce long détour par le détroit de Gibraltar les marchandises expédiées de Marseille non-seulement pour des points maritimes tels que le Havre, Rouen, mais même pour des villes tout à fait intérieures, telles que Paris et nos cités commerçantes du nord. Que de difficultés, que de lenteurs, que de naufrages même dans cette navigation, où l’on contourne constamment la terre, et où l’on trouve au but du voyage la Seine, fort améliorée maintenant, mais qui alors exposait, par ses bancs mobiles, les navires à de trop fréquens sinistres ! Si, malgré l’abandon de ce que l’on nommait le grand cabotage, le total des transports n’a subi qu’une diminution presque insensible, c’est qu’il se crée chaque jour des stations nouvelles sur notre littoral ou sur les rives de nos fleuves. Est-il encore le moindre chenal inoccupé qui soit abordable par une chaloupe au moment de la pleine mer : des pêcheurs le remarquent, et viennent s’y installer. Le nombre de nos pêcheurs s’accroît. De toutes les branches du travail maritime, la pêche est même celle qui prend la plus heureuse extension, grâce à l’aisance qui se répand ainsi dans nos populations, et qui leur permet d’améliorer leur nourriture aussi bien que leurs vêtemens et leur logement. L’on consomme aujourd’hui plus de poisson, de même que l’on consomme plus de viande, de légumes et de fruits. Les chemins de fer, en transportant rapidement aux points les plus intérieurs les produits de la pêche, qui sont si rapidement décomposables, ont grandement contribué à en développer la vente. Si le nombre des pêcheurs augmente, le poisson n’augmente pas dans la même proportion ; c’est une conséquence fâcheuse, mais inévitable. On a réglementé la pêche, qui n’est plus possible en tout temps pour toutes les espèces. Alors les chaloupes chargent du grain, du bois ou des pierres de taille pour les ports voisins ; puis, au moment où, le chargement terminé, la misaine va se hisser pour le départ, survient la douane, déesse de la vigilance. Le fait est dûment constaté et le hameau inscrit sur ses livres de recette. En faut-il davantage pour que le nouveau port soit créé ? Dix ans après, les cabanes de chaume ont fait place à des maisonnettes blanches, et quelques chasse-marée, quelques sloops sont amarrés dans le chenal parmi les bateaux de pêche. C’est le modeste commerce de ces stations qui s’accroît merveilleusement et qui répare de la sorte par le bas les pertes que le cabotage éprouve par le haut dans son trafic, jadis le plus florissant. Ce nouveau développement sera-t-il assez puissant pour réparer complètement ces pertes ? Qui ose l’espérer ? Dans tous les cas, il faut l’encourager, le soutenir dans l’intérêt de la population maritime. Beaucoup de ces petits ports auraient besoin de quelques travaux qui, peu coûteux, feraient un grand bien au cabotage.