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et de la voie rend le transport de ces matériaux plus coûteux par voie de fer que par voie d’eau, d’autant plus qu’il n’est point question pour eux ni de temps ni de vitesse.

Notre culture n’a fait jusqu’ici qu’un usage très restreint de ces amendemens, alors même que, voisine de la mer, des fleuves ou des canaux, elle pouvait profiter de ces moyens économiques de transport : c’est que jusqu’ici ses profits n’ont pas été assez considérables pour lui permettre de se constituer des avances d’argent; mais un temps viendra où elle fera un emploi presque général, ou du moins fort étendu et fort abondant, des amendemens calcaires. Alors notre cabotage et notre batellerie trouveront dans ces transports de matières fertilisantes des élémens d’activité sur lesquels ils ne comptent probablement pas. Cette augmentation sera certainement plus considérable que celle dont nous avons été témoins depuis la création des chemins de fer. Donnez du temps à l’agriculture, après l’avoir dégagée des difficultés de vente actuelles, et elle saura alimenter l’une et l’autre industrie. Les bateaux et les wagons seront à peine vides de ce qui sert à produire, qu’elle les chargera de ce qui a été produit.

Le travail national ne peut que gagner à la concurrence des voies ferrées et des voies navigables. L’agriculture, qui entre toutes les industries a le plus de masses à mouvoir, doit surtout redouter l’anéantissement de l’un des deux concurrens, ce qui aurait pour effet immédiat d’amener l’encombrement de l’autre, et de lui faire perdre ses qualités précieuses de vitesse et de sécurité dans la circulation. C’est à l’état d’encourager le cabotage par le dégrèvement des droits de port et de navigation, par l’amélioration des voies navigables. Sa sollicitude à cet égard sera d’autant plus vive qu’il s’agit d’assurer du travail à la partie de notre population maritime qui se livre au cabotage. La classe si méritante des gens de mer est digne d’un intérêt d’autant plus grand que l’aptitude à son métier la rend inhabile à tout autre emploi.

Jusqu’à ce jour il y a eu, sinon de la froideur, du moins peu d’empressement de la part de nos capitaux à se porter vers les entreprises maritimes; n’est-ce pas là une analogie de plus avec l’attitude qu’ils gardent vis-à-vis de l’agriculture? Il existe du reste une grande ressemblance dans la manière dont ces deux industries sont constituées chez nous. Ainsi, lorsqu’on jette les yeux sur le classement d’après leur tonnage des navires de notre marine, et qu’on voit la faible part des bâtimens d’une grande capacité qui représentent la grande exploitation dans le travail maritime, on croirait en vérité parcourir la matrice cadastrale de notre propriété foncière, où la petite exploitation figure de même pour une imposante majorité. Notre marine comptait, à la fin de 1857,