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D’où provenaient ces affouissemens ? On le devina sans peine en remarquant que tous correspondaient aux endroits où le sang en poudre avait été déposé et en surprenant à l’œuvre quelques-uns des petits animaux, des rats surtout, qui, trouvant à leur convenance l’aliment négligé par eux l’année précédente, l’avaient complètement dévoré, fouillant au pied des cannes et déterrant les moindres parcelles enfouies autour des racines qu’ils mettaient à nu.

Si l’on passe des difficultés de la culture aux procédés de fabrication, d’importans résultats devront être constatés ; mais, pour bien apprécier l’action féconde des procédés nouveaux, il faut se rendre compte des quantités de sucre cristallisable que les tiges de la canne renferment et des proportions que l’on en obtient en moyenne à l’aide des anciens modes de fabrication : la différence entre la quantité réellement contenue et la proportion extraite indiquera les limites théoriques de l’augmentation du rendement. Nous verrons ensuite par des faits positifs, et d’après des calculs approximativement exacts, jusqu’à quel degré il est permis de croire que l’on approchera de la limite maximum.

La canne à sucre venue sous des climats favorables contient en moyenne, d’après les auteurs que nous avons cités et nos propres expériences, 18 de sucre cristallisable pour 100 du poids total de ses tiges telles qu’on les apporte au moulin[1]. En employant des cannes de cette nature, on obtient généralement par les procédés anciens, pour 100 kilos, de 5 à 6 kilos de sucre. Or, sur de vastes habitations où des usines centrales ont été convenablement installées avec de nouveaux appareils, on a pu obtenir dans la fabrication courante pour 100 de cannes fraîches de 10 à 12 de sucre plus beau et mieux cristallisé ; il est donc évidemment possible de doubler le rendement en épuisant mieux la canne. Grâce à des procédés réalisables en grand sous des conditions que nous ferons connaître, on est parvenu même à obtenir 15 centièmes sur 18 qui existent certainement, c’est-à-dire de deux fois et demie à trois fois autant que les produits réalisés aujourd’hui dans les anciennes usines, de beaucoup encore les plus nombreuses.

En parlant des procédés anciens, je ne fais pas allusion à ces

  1. On pourrait présumer, en consultant les résultats de diverses analyses chimiques et optiques, que la canne à sucre ne renferme que du sucre cristallisable d’une seule espèce : cela est vrai seulement pour les cannes exemptes de toute altération ; mais il n’en saurait être ainsi dans les usines où l’extraction se fait en grand, car toutes les portions de jus qui restent exposées à l’air sur les sections et déchirures, avant de parvenir aux presses et aux chaudières, subissent une première fermentation qui a pour effet de transformer une petite quantité de sucre en sirop incristallisable.