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modernes. Quant au type d’Hamlet lui-même, on l’a commenté et interprété de mille façons, toutes peut-être également vraies. Goethe, dans Wilhelm Meister, en fait une âme chargée d’une grande action et incapable de l’accomplir. Il y a quinze ans, on le rapprochait, non sans quelque raison, de René et d’Obermann, on le rattachait à la grande famille des incompris. Dans une éloquente étude que les lecteurs de la Revue n’ont point oubliée[1], M. Émile Montégut démontre qu’Hamlet doit sa grandeur et sa beauté à un amour inaltérable, ardent, pour la vérité, et c’est en cela, ajoute-t-il, qu’il est profondément moderne. Pour nous, Hamlet est moins un impuissant et un rêveur qu’un homme livré par la recherche de la certitude aux horribles tortures du doute. Qu’il sorte de sa sphère féodale pour entrer, par exemple, dans le domaine des idées religieuses, et ce sera Pascal. Notre siècle a connu des Hamlet politiques. — La traduction de M. François-Victor Hugo va nous donner enfin le véritable Shakspeare avec toutes ses beautés et toutes ses hardiesses. Évidemment quelques détails demanderont toujours qu’on fasse la part du milieu où Shakspeare vivait et des nécessités auxquelles il était soumis, mais devant un aussi puissant idéal porté sur les bases franches de la réalité, on comprendra ce qu’offrent de radicalement faux, et la poursuite mystique des pensées les plus vagues, et le calque inintelligent des détails vulgaires : double courant dans lequel semblent engagées nos habitudes et notre imagination, et qui se termine également par un infranchissable écueil.


EUGENE LATAYE.


Travels and discoveries in North and Central Africa,
by H. Baith ; t. IV and V. Longman, 1838.


La relation du docteur Barth vient d’être complétée par la publication des deux derniers tomes, qui comprennent les voyages à travers les pays du Libtako et de Hombori, le séjour à Timbuktu, et le retour par les bords du Niger. C’est pour nous une occasion de revenir non sur les grands résultats de cette exploration déjà indiqués, mais sur l’intérêt général qu’offre, au point de vue scientifique, une œuvre qui comptera dans l’avenir parmi les monumens les plus utiles et les plus glorieux de l’activité humaine au XIXe siècle.

Presque toutes les branches des connaissances modernes se trouvent représentées dans les volumes du docteur Barth. L’auteur nous fait pénétrer dans l’histoire ancienne par l’archéologie, puis par des documens locaux ; dans l’histoire actuelle par des tables chronologiques servant de cadre à des peintures pleines de mouvement ; dans l’ethnologie, par l’étude du langage et des caractères physiques qui distinguent les races ; dans la géographie, par la description topographique du terrain, le relèvement des cours d’eau, l’indication précise de la situation des localités. Détails de mœurs, côtés pittoresques, l’infatigable voyageur n’a rien négligé. Enfin nous avons désormais le droit de dire que l’Afrique nous est en grande partie connue, et si le rêve des savans géographes du dernier siècle, c’est-à-dire l’explication des notions relatives à l’Afrique qui procèdent de Pline, de Ptolémée et des

  1. Voyez la livraison du 1er  avril 1856.