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Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 20.djvu/258

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autres anciens, doit être réalisé, c’est aujourd’hui seulement, et grâce à l’ouvrage de M. Barth, que ce résultat peut être obtenu.

Les seules données qui soient rejetées au second plan dans la relation du voyageur sont celles qui concernent l’histoire naturelle, faune et flore, la géologie et les relèvemens astronomiques; mais si puissant que soit l’esprit d’un homme, il ne saurait embrasser un ordre de connaissances universel, et il serait injuste de demander au docteur Barth plus qu’il ne nous a donné. A son début, l’expédition emmenait un naturaliste, et plus tard elle s’adjoignait un astronome : or ces jeunes hommes, qui portaient une part de nos espérances, la terre d’Afrique ne les a pas rendus.

La forme de journal adoptée par l’auteur, et qui aujourd’hui paraît prévaloir dans les relations sérieuses et étendues, nous semble de beaucoup préférable à toute autre : elle témoigne de notes presque quotidiennes, et fait ainsi preuve de sincérité. Si d’abord elle paraît un peu lente et monotone, elle ne tarde pas à racheter cette apparence de défaut par l’intérêt qu’elle excite, car, en vivant tous les jours avec le voyageur, on finit par s’identifier avec lui; on partage ses émotions, ses dangers, ses craintes, ses espérances, et les conclusions qui ressortent des faits frappent d’autant plus le lecteur, qu’il croit les avoir tirées lui-même du simple récit qui a passé sous ses yeux.

Dans les volumes déjà publiés, il a été bien des fois question des Fellani, ces hommes distincts des noirs par les caractères de leur visage et leur couleur non moins que par leur ferveur religieuse et leur esprit conquérant. Pendant des siècles ils ont vécu obscurément, nomades et sédentaires, dans les régions extrêmes de l’Afrique occidentale ; puis tout d’un coup, se levant à la voix d’un chef religieux, ils ont porté leur domination jusqu’au fond du Soudan. M. Baïkie nous les a montrés établis tout le long du Niger inférieur; Sokoto est aujourd’hui le siège principal de leur empire, et nous les avons vus, avec M. Barth, assiégeant du Katsena et de l’Adamawa les frontières du Bornu; puis nous les retrouvons à Timbuktu. D’où sont venus les ancêtres de ces hommes qui ne sauraient être confondus avec aucun mélange de Berbers ou d’Arabes, et chez qui cependant l’aspect physique, le langage et les habitudes témoignent d’une origine en partie étrangère à l’Afrique? C’est une des questions qui éveillent le plus de curiosité dans l’esprit du lecteur.

Leur nom a d’innombrables variantes, parmi lesquelles les plus générales sont celles de Fula et Fulbé, employées par les Mandingues; de Fellani, en usage chez les Hausa; de Fellata chez les Kanuri, et de Fellan chez les Arabes. Ils se sont incorporé un grand nombre des tribus de l’Afrique occidentale, que l’analyse ethnologique permet en partie de distinguer, et comme ces tribus, en s’amalgamant dans un commun ensemble, ont cependant conservé quelques restes d’individualité et vécu selon des fortunes diverses, il en résulte parmi les Fellani des divisions de castes. De ces tribus, certaines forment une aristocratie dominante, tandis que d’autres, tombées dans une sorte de dégradation, se trouvent vouées aux professions de marchand, de charpentier, de cordonnier, de tailleur, de chanteur. Il y en a une qui exerce celle de mendiant. La race dominante, celle dont le mélange avec des tribus indigènes a constitué le grand corps des Fellani, présente d’intimes rapports avec ces Yolofs de la côte bien connus aujourd’hui par les expéditions mili-