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vaux, à tel point que l’administration dépense en primes des sommes énormes sans se procurer un nombre suffisant de travailleurs?

Voilà où en est la question. Toutefois les emancipists prennent le dessus; les convois de condamnés se dirigent aujourd’hui plutôt vers Perth que du côté d’Hobart-Town. La Tasmanie échange en ce moment sa condition de colonie pénitentiaire contre celle de colonie libre, en attendant le jour peut-être où elle deviendra une province des États-Unis indépendans d’Australie.


II.

C’est dans la Nouvelle-Zélande que subsistent les derniers des sauvages belliqueux, énergiques dans leur hostilité contre les Européens et franchement cannibales. Que je te dévore la tête! mange ton père ! telles sont leurs imprécations familières. Au surplus, il suffit de jeter les yeux sur les dessins rapportés par Polack ou par quelque autre des nombreux visiteurs de la Nouvelle-Zélande pour saisir toute la différence qui sépare des autres populations océaniennes les énergiques Polynésiens de ce groupe. Leur grande taille, leurs membres agiles et musculeux, de couleur cuivrée, leur visage altier et farouche, au nez droit, aux pommettes saillantes, aux lèvres surmontées de longs poils, le tatouage qui sillonne leur front et leurs joues, leurs colliers d’os, leurs cheveux relevés en touffe et chargés de plumes, leur hère démarche sous leurs nattes de phormium, tout en eux indique la hardiesse et la férocité. On leur croirait quelque parenté avec les Peaux-Rouges plutôt qu’avec les races molles et craintives de l’Australie. Eux-mêmes se donnent le nom de Maoris, qui a la signification d’autochthones ou indigènes, et ils ne paraissent avoir gardé aucun souvenir des lieux qu’ils ont pu habiter avant de s’être fixés dans l’archipel zélandais.

Aujourd’hui il faut distinguer entre les Zélandais des côtes et ceux de l’intérieur. Ces fiers sauvages n’ont pas plus que les autres échappé aux désastreux effets du contact avec les matelots, et là, comme en tant d’autres régions, l’Europe, en transmettant au sol l’activité qui lui est propre, menace d’en éteindre les habitans. Autrefois les chefs qui abordaient les bâtimens européens se faisaient suivre de quelques femmes esclaves qu’ils livraient aux équipages; aujourd’hui ils prostituent leurs filles et leurs femmes pour un couteau ou un verre d’eau-de-vie. Les liqueurs les ont dégradés : ils ont échangé leurs nattes riches et artistement tressées contre des haillons de laine ou d’indienne, leurs allures et leur industrie native portent, comme leur costume, les tristes empreintes de leur dégradation; mais ils n’auront pas succombé sans résistance : les