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Européens ont chèrement payé la possession des rivages, et de loin en loin quelque sanglante catastrophe vient encore jeter l’épouvante au sein des colonies anglaises.

Dès le premier jour, les relations entre les indigènes et leurs visiteurs eurent un caractère hostile. Tasman quittait les terres de Van-Diémen quand il accosta, en décembre 1642, un rivage également inconnu. Ses canots, envoyés à la découverte, revinrent suivis de pirogues longues et étroites, réunies deux à deux, ornées sur les bords et aux extrémités de riches et bizarres sculptures, manœuvrées à l’aide de pagaies longues de deux mètres, et montées par un nombre d’hommes variant de douze à quarante. Indigènes et Européens s’observèrent avec défiance et curiosité; les premiers sonnèrent de la conque marine, les autres répondirent avec la trompette. On était ainsi dans une sorte d’indécision; les sauvages refusaient d’approcher, quand Tasman, qui avait deux bâtimens, détache de l’un vers l’autre un canot monté par sept hommes. Les pirogues se mirent aussitôt en mouvement, se jetèrent sur l’embarcation avec une telle impétuosité qu’elle chavira, et ils assommèrent avec leurs casse-têtes quatre matelots; les trois autres purent se sauver à la nage. L’artillerie des deux vaisseaux fit aussitôt feu sur les pirogues et tua quelques sauvages. Après cette vengeance, n’espérant plus nouer de relations amicales et se procurer des vivres, Tasman fit lever l’ancre, abandonnant ce rivage, qui a conservé le nom de Baie du Massacre. Telle fut la découverte de la Nouvelle-Zélande.

Cook et Surville, cent trente ans plus tard, ne furent pas mieux reçus, et en 1772 le capitaine français Marion y fut massacré avec une partie de son équipage, après avoir été accueilli par les démonstrations les plus amicales. L’année suivante, Furneaux, commandant d’un navire qui avait longtemps accompagné celui de Cook, ne voyant pas revenir un canot, envoya à sa recherche. A la vue de l’embarcation armée qui se dirigeait vers eux, les sauvages prirent la fuite vers les bois. Alors, sur la grève restée déserte, on reconnut les débris du canot, puis divers vêtemens européens; plus loin se trouvaient une vingtaine de corbeilles, dont les unes étaient pleines de fougère et les autres de chair humaine rôtie. Parmi ces hideux tronçons, une main portait les lettres T H : c’était la main du matelot Thomas Hill. Il est juste de dire que la plupart de ces faits horribles avaient été provoqués par les injustices et les brutalités des Européens. En traitant les Nouveaux-Zélandais avec justice et bienveillance, en leur épargnant les représailles auxquelles ils s’attendaient, car le talion le plus rigoureux est en vigueur parmi eux, Cook, dans son troisième voyage, parvint à gagner et à s’attacher même quelques-unes de leurs tribus, et il revint disant que si