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une guerre allemande. Elle sortirait du cadre que nous nous sommes tracé. Une telle éventualité est d’ailleurs en dehors des prévisions ordinaires. En 1797, l’armée française put s’avancer sans obstacle sur la route de Vienne, parce que, suivant la belle expression de l’empereur Napoléon, on ne lui opposait plus qu’un général sans armée; mais cette marche audacieuse a effrayé même les historiens militaires, unanimes à déclarer qu’elle serait impossible à recommencer dans des circonstances différentes de celles où elle a eu lieu.


IV.

La Haute-Italie est accessible à un ennemi de la monarchie autrichienne de deux côtés seulement, par le Piémont et par l’Adriatique : les autres frontières sont couvertes par la neutralité suisse et par la péninsule. Il ne nous reste donc qu’à parler des mesures prises par le gouvernement autrichien contre une attaque qui serait tentée par la mer Adriatique.

Pour trouver le souvenir d’une guerre de ce genre, il faut remonter à la lutte des républiques de Gènes et de Venise, ce qui montre clairement combien ce genre d’opération a semblé peu profitable pendant des siècles. Toutefois le succès qui a suivi le débarquement des armées alliées sur la plage déserte de la Crimée fait que l’on se demande si une tentative analogue ne serait pas essayée par une nation qui aurait une supériorité maritime indiscutable, surtout lorsqu’elle pourrait y trouver l’avantage d’être sur la voie de communication la plus directe entre Milan, Vérone et Vienne, et d’aborder le grand camp de l’armée autrichienne par son côté le moins fortifié. On ne semble pas avoir cru jusqu’ici que ce danger fût très sérieux. Le débarquement opéré, il faudrait en effet que l’armée, ainsi jetée au centre du pays ennemi, fût très forte et très mobile pour résister à une attaque combinée des troupes du camp de Vérone et de celles des provinces illyriennes; elle aurait par conséquent besoin d’un grand nombre de chevaux dont le transport par mer est une chose fort scabreuse. Puis le débarquement par lui-même donnerait lieu à des difficultés d’un ordre bien supérieur. En effet, des bouches du Pô à la frontière de l’Istrie, le littoral de l’Adriatique ne se compose que de marécages d’une insalubrité tristement célèbre. Il y a là des endroits où l’on ne peut passer une nuit sans être la proie des fièvres. La mer, dans tous ces parages, a d’ailleurs fort peu de profondeur à de grandes distances de terre et offre peu de ports capables d’abriter une flotte nombreuse. Il n’en existe qu’un seul qui puisse recevoir, non des vaisseaux de ligne, ni même des frégates de premier rang pourvues de leur ar-