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réclame-t-elle un lien direct avec la France, sans tenir compte de la distance de 760 kilomètres qui sépare Alger de Marseille. Oran fait remarquer que, de ses caps les plus avancés à la côte sud-est d’Espagne, la distance n’est que de 160 kilomètres, et demande la préférence pour cette direction, qui laisserait subsister l’inconvénient du trajet par terre à travers un pays étranger. Les sondages des fonds de mer peuvent seuls apporter dans ce débat des informations essentielles et encore inconnues.

Les travaux que nous venons d’énumérer sont les œuvres du passé et du présent; pour un prochain avenir, les pensées se portent de préférence sur la création des chemins de fer, décidés en principe par le décret impérial du 8 avril 1857. D’après ce décret, accueilli en Algérie avec enthousiasme, le réseau doit se composer d’une ligne parallèle à la mer et de lignes perpendiculaires. Ce réseau, dont le développement mesurerait environ 1,300 kilomètres, est en parfaite harmonie avec le relief du sol; il consacre dans ses traits essentiels le système dont MM. Warnier et Mac-Carthy avaient pris l’initiative en Algérie, système devenu populaire malgré des critiques qui ont dû fléchir l’une après l’autre sous l’autorité des faits. Quelques doutes survivent encore néanmoins sur l’opportunité de relier prochainement Constantine à Alger; mais la grande ligne d’Alger à Oran ne saurait plus être discutée depuis que l’on voit les chemins de fer de l’Espagne rattacher déjà Alicante à Madrid et s’avancer de mois en mois vers Bayonne et Perpignan. Quand les communications directes seront établies entre Alicante et l’une de ces villes, l’Espagne sera le chemin de l’Algérie le plus court et le moins fatigant pour la France et pour toute l’Europe occidentale; Oran deviendra la porte d’entrée pour la moitié de la colonie. En présence d’une telle perspective, pourrait-on songer à arrêter dans une impasse, au Sig ou à l’Habra, après 50 ou 80 kilomètres de parcours, le courant de voyageurs et de marchandises venus pour se distribuer dans le pays entier? Des considérations analogues ne permettent plus de s’en tenir longtemps à la section d’Alger à Blidah, considérée pendant une quinzaine d’années comme le terme de l’ambition algérienne, alors que les cimes de l’Atlas paraissaient les colonnes d’Hercule. Aujourd’hui l’Atlas est dominé et franchi, et c’est au cœur de la vallée du Chélif, à Amourah, au milieu de ruines qui attestent le génie de Rome, que le génie de la France devra fixer le nœud vital de sa domination. Par les chemins de fer, la France dominera en effet le peuple indigène, au nom de la force, en s’assurant le rapide transport des troupes en une ou deux journées d’une frontière à l’autre, en quelques heures sur tout point de l’intérieur où éclaterait une apparence de révolte, — au nom de la politique, en coupant en deux, par une ligne de stations et de