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villages peuplés d’Européens, les tribus au nord de la ligne centrale et celles qui se trouveront au sud, — enfin au nom de l’intérêt, en donnant aux terres des Arabes, à leurs produits, à leur main-d’œuvre une plus-value qui doublera rapidement leurs richesses. Telle est l’importance stratégique du réseau, qu’il devra, un jour ou l’autre, être établi sans discontinuité, même sur les parcours dont le revenu commercial ne paraîtrait pas d’abord suffisamment rémuuérateur, afin de pouvoir multiplier la force des troupes par leur vitesse : aie couper en tronçons, on annule une de ses principales fonctions. L’exécution entière du réseau algérien ne saurait être qu’une question de temps.

En Algérie d’ailleurs, comme aux États-Unis, comme aux colonies anglaises, les voies ferrées n’ont pas exactement le même caractère qu’en Europe. Là ce sont des instrumens de colonisation et de peuplement qui s’avancent hardiment à travers les solitudes, et, par le rayonnement d’activité qui semble jaillir de leurs locomotives, répandent au travers de larges zones la vie, le travail, les populations : sur le parcours du rail-way, les villages et les villes s’élèvent comme par enchantement. Quoique le cadre de l’Algérie soit beaucoup moins vaste, de pareilles espérances sont permises sur une échelle proportionnée à l’étendue même du théâtre, si le gouvernement français consent à étudier les exemples des nations qui ont réussi en matière de colonisation. Il a fait un premier pas dans la sagesse en renonçant à construire et à exploiter lui-même les chemins de fer, comme l’atteste un projet de loi récemment présenté au corps législatif : il en fera un second en accordant aux compagnies des conditions acceptables. On offre déjà une garantie d’intérêt à 5 pour 100 sur un capital de 61 millions, destiné à trois lignes, de la mer à Constantine, d’Alger à Blidah, d’Oran au Sig. Peut-être, dans les circonstances nouvelles où la France se trouve, les compagnies demanderont-elles en outre un concours matériel par concessions de terres, carrières et mines, forêts, eaux d’irrigation, salines, méthode qui prévaut en Amérique dans les pays neufs. La concession de terres sur le trajet de la voie ferrée nous paraît, il faut l’avouer, une condition indispensable pour le succès de l’opération. Une société communiste comme celle des Arabes ne peut pas alimenter des chemins de fer; c’est la propriété individuelle qui seule peut assurer la vitalité d’une telle entreprise. Pour accroître leurs chances de gain, les compagnies concessionnaires demanderont probablement à être chargées, entre autres travaux complémentaires ou accessoires, de l’amélioration des ports ainsi que du dessèchement des marais : l’état devra s’estimer heureux s’il peut alléger par ce moyen son propre fardeau, suivant l’exemple donné par l’Angleterre. Un des officiers qui ont mêlé leur