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cependant de quelque utilité... pour le cas où je ne le rencontre- rais pas, s’entend.

— Pepe, Pepe Gamba, signore. Son legno porte le numéro 52. Il est presque toujours sur la piazza... comment donc? la piazza…. vos’ signoria sait bien,... cette place où il y a une grande colonne?

Piazza della Trinità ?

— Justement. Que vos’ signoria m’excuse, mais je n’ai été qu’une fois à Florence.

— Parfaitement.

— Puisque vos’ signoria a tant de bonté qu’elle veut bien s’intéresser à une pauvre fille comme moi, peut-être daignerait-elle aussi s’informer... — Ce disant, elle baissait les yeux, et sa voix redevenait hésitante. — Ce n’est pas que j’aie des doutes... Mais qui sait?... qui sait si quelque dame de Florence ne m’a point enlevé le cœur de Pepe?...

— Soyez sans inquiétude de ce côté, Pichichia; les dames de Florence n’ont garde de marcher sur vos brisées. N’importe d’ailleurs, je ferai votre commission, et je vous enverrai, soit des nouvelles de Pepe, soit Pepe lui-même.

— Ah ! caro signore, bénie soit votre charité ! Dieu vous le rendra.


II.

« Chassez le naturel, il revient au galop, » dit la sagesse des nations. A peine arrivé à Florence et installé à l’auberge, je courus au Dôme et à la place du Grand-Duc. Des fenêtres de ma chambre, on découvrait presque tous les quais, en amont et en aval des arches sveltes, élégantes et hardies du pont de la Trinité; j’y passai la soirée rêvant, admirant, heureux de vivre, dans une disposition d’esprit analogue à celle d’un convalescent qui reprend possession de l’air, de la lumière et de la nature. Je ne pensai que le lendemain matin (l’homme est profondément égoïste) à l’incomparable Pepe.

Sur la place de la Trinité, je ne trouvai ni chevaux gris, ni numéro 52. « Le beau Gamba est en course, » me dis-je. J’allai déjeuner à deux pas, chez Doney. Lorsque je sortis du café, toujours point de Pepe. « Au milieu du jour, pensai-je, à l’heure où chacun se repose, mon homme sera à son poste. Allons à Pitti en attendant, » et j’enfilai la via Porta-Rossa. Je n’étais pas encore sous l’élégant portique du Mercato-Nuovo, que je ne pensais déjà plus à Pichichia et à ses amours. Au-delà du Ponte-Vecchio, dans la rue qu’habitait le fameux historien Guicciardini, je rencontrai la garde