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péninsule, et élevant en quelque sorte de ses propres mains, par la rupture des traités, la question de l’indépendance complète de l’Italie. Pendant quelque temps, on s’irritait presque de la lenteur, de l’obscurité des négociations et des événemens ; on a été presque surpris à la fin par la brusquerie du dénoûment qui a subitement attiré nos soldats à Alexandrie et à Gênes. Aujourd’hui le premier choc a éclaté devant l’Europe, attentive, émue et agitée des sentimens les plus contraires. Ce n’est donc plus le congrès avant la guerre, c’est la guerre avant le congrès. Et maintenant plus que jamais il reste un problème qui pèse sur la conscience des peuples et des gouvernemens : cette lutte que rien n’a pu détourner, jusqu’où ira-t-elle, et où s’arrêtera-t-elle ? Est-ce un péril pour l’ordre conservateur des sociétés et une menace pour toutes les situations territoriales ? En un mot, cette guerre qui commence est-elle fatalement condamnée par son principe, par son objet, par tous les fermens qu’elle échauffe, par toutes les considérations d’équilibre qu’elle soulève, à devenir une guerre révolutionnaire et européenne ? C’est bien là, si nous ne nous trompons, le nœud de cette grande affaire au moment où nous sommes.

Que la question italienne, par sa complexité même, soit une de ces questions faites pour remuer le monde, qu’elle ait été et qu’elle soit encore l’épreuve de toutes les politiques, rien n’est moins douteux, La situation de l’Europe le démontre : la France et le Piémont aux prises avec l’Autriche en Italie, l’Allemagne échauffée et agitée depuis, trois mois, l’Angleterre se rejetant d’une négociation infructueuse dans une neutralité armée où une sympathie secrète pour la cause italienne se combine avec une certaine inquiétude, la Russie parlant peu et attendant, prête à suivre les événemens, ce sont là les traits essentiels et visibles d’un état qu’un incident de guerre ou une résolution subite peut simplifier ou aggraver. Or, en présence de cet ensemble de choses, où trouver le secret de ce que peut devenir cette lutte, des proportions qu’elle peut prendre, des complications qui peuvent la dénaturer, et dont toutes les prévoyances doivent tendre à l’affranchir, si ce n’est dans la profondeur des faits, dans la vérité de tous les intérêts et de toutes les situations ? Et ayant d’aller plus loin, n’est-il pas nécessaire plus que jamais de préciser le conflit qui commence, d’en démêler les élémens réels, de le dégager de ce qu’il y a de vague et d’indéterminé, de montrer surtout par quel concours de circonstances il est né sous sa forme actuelle ?

La question italienne n’est point sans doute une nouveauté, elle est de tous les temps. Là où un vif et universel instinct de nationalité rencontre à chaque pas une domination étrangère, la lutte