Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 21.djvu/940

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

est redevable à la propriété forestière, il en est plusieurs sans doute qui sont peu en harmonie avec les procédés d’une culture perfectionnée, et que, dans l’intérêt même du sol forestier, il serait désirable de voir cesser. Le cultivateur normand par exemple hausserait probablement les épaules de pitié si on voulait lui persuader de fumer son champ avec des feuilles mortes, et le fermier anglais est trop bon calculateur pour envoyer jamais ses bestiaux paître la maigre herbe qui pousse dans les bois, et se priver ainsi de l’engrais précieux qu’ils fournissent. Il eût été également préférable que, sur bien des points, il n’eût pas été constitué de droits d’usage, car ils ont souvent contribué à faire mettre en culture des terrains naturellement pauvres, qu’il eût été plus avantageux de maintenir en nature de bois ; mais enfin, dans les conditions actuelles de notre agriculture, les forêts sont pour elle un auxiliaire indispensable. Quand, par suite des progrès qu’elle fait tous les jours, ces pratiques vicieuses auront été abandonnées, les forêts trouveront naturellement leur place partout où elles doivent donner un revenu supérieur à celui des terres arables, et partout où elles pourront exercer une influence utile au point de vue climatologique. Bien des terrains vagues, impropres à toute autre culture, devront alors être reboisés ; en revanche, bien des forêts de plaine pourront être avantageusement défrichées et consacrées à l’agriculture. C’est alors seulement que, chaque partie du territoire se trouvant affectée à la destination qui lui convient le mieux, et qui concourt le plus à la prospérité générale, le pays se trouvera porté à son maximum de production.


II

En présence des services importans que rend la propriété forestière, on a peine à comprendre qu’elle n’ait pas trouvé dans son utilité même une sauvegarde contre les dévastations dont de tout temps elle a été victime. L’exemple de la Grèce et de l’Espagne, stérilisées par des défrichemens inconsidérés, n’a pu préserver la Sologne ni la Champagne du même sort, qui menace également une grande partie de la France méridionale. La fureur de destruction qui anime parfois les populations, aveuglées par la perspective d’une jouissance immédiate, se réveille surtout dans ces heures de crise où l’avenir paraît incertain, où tout sentiment de prévoyance s’évanouit devant les dangers du moment. Si nos luttes politiques ont semé tant de ruines de tous côtés, c’est bien certainement la propriété forestière qui en a le plus cruellement ressenti le contrecoup, car les atteintes qu’elle a subies ne sont pas de celles qui se réparent facilement. « A la révolution, dit M. Michelet dans son Histoire