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Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 22.djvu/1009

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jeune auteur a des ambitions de plus d’un genre, entre autres peut-être l’ambition politique. Il a voulu prouver qu’il serait au besoin, tout comme un autre, un homme pratique, après avoir montré qu’il était un homme d’esprit. C’est à cette prétention que nous devons le livre intitulé les Echasses de maître Pierre, dans lequel l’auteur expose, sous forme de récit et de dialogue, ses idées sur le drainage et l’amélioration des landes. Quelques chapitres assez vifs, comme le chapitre du début et l’histoire du petit cheval gris, ne suffisent pas pour racheter l’ennui profond qu’inspire cette composition artificielle, imitation malheureuse des dialogues économiques de Voltaire, et principalement de sa fameuse dissertation si connue sous le nom de l’Homme aux quarante écus. Maître Pierre parle comme Voltaire, ou du moins comme M. About, et l’on dirait que l’ingénieux bienfaiteur des Landes, pour faire la conquête de l’écrivain, a préalablement lu ses livres et emprunté son esprit. Nous invitons le jeune auteur, dans l’intérêt de sa gloire et des plaisirs de ses lecteurs, à renoncer à l’avenir à ces traités d’agriculture amusante. — Les Mariages de Paris composent un recueil agréable de nouvelles, assez récréatives sans doute, mais qui ont le grand tort de n’être que cela. Un optimisme imperturbable règne d’un bout à l’autre de ce livre, dans lequel on voit invariablement le vice puni et la vertu récompensée. L’optimisme a du bon, et ce n’est pas moi qui songerai à le blâmer ; mais vraiment l’optimisme de M. About ressemble trop à un parti-pris, et en outre il manque de naïveté et de candeur. Il est impossible que M. About, qui a l’esprit délié et retors, pense sur la société avec autant d’innocence qu’il veut nous le faire croire. Tout n’est point mal sans doute dans le monde, mais tout n’y est pas bien non plus ; les honnêtes gens n’y sont pas absolument désarmés, mais les coquins n’y sont pas aussi aisément terrassés que nous le donne à penser M. About. Il y a de bonnes et charmantes âmes, mais il y a aussi quantité de sycophantes qui sont prêts à tout exécuter : omnia serviliter pro nummis. Cependant les Mariages de Paris contiennent, comme tous les récits de M. About, des détails vrais et heureux. Sans dot par exemple est une anecdote tout à fait drolatique. Dans la Mère de la Marquise, le caractère de cette bonne bourgeoise qui passe sa vie à convoiter l’honneur d’être reçue dans le noble faubourg est dessiné avec une gaieté bienveillante qui appelle sur les lèvres, jusqu’à la fin du récit, un sourire à la fois moqueur et inoffensif. Quant à la Question romaine, je n’en veux pas dire un seul mot. Je ne serais pas à mon aise pour en parler, et je me contenterai de prévenir M. About qu’il y a des questions qu’il est téméraire d’aborder brusquement, et même dangereux de soulever avec prudence. On ne