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de la première explosion, de cette grande surprise de février, suivie de tant d’autres, une lutte semblait imminente entre la révolution, enivrée d’elle-même, et les forces conservatrices, ralliées dans le péril. En Italie, la guerre de l’indépendance, marchant à grands pas sous la vaillante conduite de Charles-Albert, était tout à la fois harcelée par la révolution, qui déjà la compromettait, et arrêtée dans son élan par l’encyclique papale du 29 avril, qui semblait retirer l’âme et la main du pontife de la croisade italienne. À l’extrémité de la péninsule, Naples offrait comme un résumé de cette situation.

Les élections venaient d’avoir lieu, et le scrutin, ouvert pour la première fois, n’offrait pas un résultat précisément défavorable. Tandis que M. Bozzelli était exclu par les électeurs pour son impuissance et pour les vues étroites qu’il avait montrées, M. Salicetti était également repoussé pour ses idées avancées et pour les soupçons de radicalisme qui pesaient sur lui. Le parti révolutionnaire ne comptait pas plus de vingt membres élus. La majorité était au fond l’expression d’un mouvement d’opinion modérée. Elle ne voulait sans doute rien de plus que la constitution ; mais cette majorité subissait sans le savoir, sans le vouloir peut-être, l’influence des idées vagues et indéfinies propagées depuis deux mois ; elle avait toute l’inexpérience d’une assemblée nouvelle sortie d’un pays jeté lui-même subitement dans toutes les agitations de la vie politique. Elle aurait eu besoin de s’appuyer à un pouvoir fort et sympathique qui, en représentant la même mesure d’opinion, eût pu la diriger ; elle arrivait enfin dans une heure de tension extrême. Y avait-il dans l’esprit du roi une pensée préméditée de réaction, le dessein arrêté de reconquérir par l’épée dans un combat ce qu’il avait été obligé de concéder à la force des choses ? Rien ne le prouve. Y avait-il dans l’ensemble du libéralisme napolitain une pensée menaçante pour la dynastie ? Les républicains, bruyans sans doute, étaient en petit nombre, et avouaient leur faiblesse. Ils se sentaient peu populaires. Cependant, s’il n’y avait point une hostilité directe, il y avait des passions et des ombrages. Les libéraux se défiaient du roi, et le roi se défiait de tout, prêt à accepter le combat, qu’il prévoyait sans vouloir le provoquer. « La mine était chargée de poudre, dit M. Massari dans ses Casi di Napoli ; il ne manquait qu’une étincelle pour l’enflammer, et cette étincelle fut la question du serment, » à l’occasion de l’ouverture du parlement, le 15 mai 1848.

On était à la veille de cette journée fatale qui devait marquer l’inauguration du régime constitutionnel à Naples, et qui allait finir dans le sang. Les députés se réunirent en assemblée préparatoire