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États-Unis, on a réuni un grand nombre d’observations. Un savant voyageur, M. Antoine d’Abbadie, vient de publier sur le tonnerre en Ethiopie un mémoire des plus intéressans. Antérieurement un laborieux médecin militaire, le docteur Boudin, avait écrit sur les manifestations de la foudre une suite de mémoires curieux qu’il a reproduits en partie dans sa Géographie médicale. Ce ne sont encore là que des essais imparfaits; ils en provoqueront d’autres, et la question s’élucidera. C’est Arago qui le premier appela l’attention sur ce sujet curieux par une notice donnée dans l’Annuaire du Bureau des Longitudes. Malheureusement les savans qui ont jusqu’à ce jour étudié la foudre se sont moins attachés à la détermination des causes qu’à la simple constatation des effets. Redoutant en quelque sorte la mort de Capanée, les physiciens ont craint de tenter des expériences qui pourraient mettre leur vie en danger, et là est effectivement la difficulté de ces recherches. Il n’est pas cependant impossible d’imaginer des moyens de diminuer les périls attachés à l’expérimentation. Ce que l’on a déjà pu constater, c’est que la foudre réalise les mêmes effets mécaniques et chimiques que nous obtenons avec nos appareils les plus délicats. Tandis que les masses les plus considérables se trouvent portées à des distances prodigieuses, les objets les plus petits et les plus fragiles sont tout à coup enlevés et déposés ailleurs, souvent sans subir la moindre altération. Quelques exemples feront saisir cette diversité singulière des effets de la foudre. Si l’on en croit Van Helmont, aux environs de Liège un clocher disparut soudainement à la suite d’un violent orage, et quelques années après, il fut retrouvé encore debout enfoui complètement sous le sol. A Manchester, en 1809, on vit un mur de 3m,6 de hauteur, de 0m,9 d’épaisseur, déplacé par la foudre et porté à plus d’un mètre de là; on a évalué que la masse qu’avait alors soulevée la force électrique ne pesait pas moins de 19,240 kilogrammes. En juillet 1836, le tonnerre tomba à Napoléon-Vendée sur un bâtiment affecté au service de la manutention militaire; une chambre se trouva subitement convertie en grenier : la plus grande partie du froment accumulé dans l’étage supérieur y avait été en effet réunie tout à coup en tas et apportée des combles au premier étage. Quelques années auparavant, dans une habitation de l’arrondissement de Meaux, à la suite d’un coup de tonnerre, un cabaret de porcelaine fut, sans être brisé, transporté du salon au jardin. En 1839, une lettre adressée à M. Arago lui apprenait qu’un homme frappé de la foudre sous un chêne où il avait cherché un abri lut trouvé, après l’explosion, presque mourant sous une touffe de châtaigniers, distante de 23 mètres de l’arbre.

Ces transports, où la force électrique se montre tour à tour si