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mande quelque chose : ils se feraient plutôt fusiller que de renoncer à leurs allures indépendantes; enfin les Turkomans, détestables soldats, mous, paresseux, la pipe à la bouche, et toujours assis les jambes croisées devant une tasse de café, leur seule occupation: tous des cavaliers de l’Asie-Mineure. »

Pour l’armement, chacun s’était armé à sa guise, qui d’une lance, qui d’un tromblon, qui d’un sabre, qui d’une hache. Tous avaient des pistolets attachés autour d’eux, et ces fidèles compagnons ne les quittaient jamais. Leurs chevaux étaient de petite taille, mal nourris, efflanqués, et, sauf les chevaux de quelques Syriens qui avaient un cachet de race, aucun ne me parut mériter une grande considération. Tous portaient une selle turque, beaucoup plus petite et moins haute que nos selles arabes, et qui se rapprochait beaucoup de la selle dite à piquet, dont on fait usage dans les manèges; je ne saurais en donner une idée plus exacte. Quant à la bride, la fantaisie de chacun s’était donné libre carrière; beaucoup de chevaux d’ailleurs n’avaient que des bridons, ce qui leur permettait de manger avec plus de facilité, attendu qu’on ne les débridait jamais.

A l’époque où j’arrivais pour prendre mon commandement dans cette turbulente milice, il y avait déjà sous l’impulsion du général Yusuf un commencement d’organisation. Le général faisait de son mieux pour seconder l’ardeur du maréchal Saint-Arnaud, qui voulait de prompts résultats. On procédait à cette organisation le programme du général de Létang à la main; on remplissait les cadres français d’officiers, de sous-officiers et de caporaux d’infanterie. Les seules choses qu’on écarta de ce programme furent le tambour et la trompette. Le général Benkendorf constate que les cosaques du Don se passaient de ces instrumens d’appel. Le cri hurrah, lancé par l’officier, suffisait pour qu’en moins d’une minute tout le monde fût à cheval. Nous avions remplacé la trompette et le hurrah cosaque par un crieur public.

À ce moment de l’organisation, il y avait trois brigades déjà formées, de deux régimens chacune, avec un effectif de douze à treize cents chevaux par brigade. Les régimens étaient divisés par pelotons, escadrons, suivant le système de l’organisation française. Voulant donner une certaine uniformité à l’armement, on avait fait venir des lances de France, et chaque bachi-bozouk en fut armé. Tous n’en conservaient pas moins l’arsenal qu’ils avaient apporté de leurs pays respectifs. On avait adapté à ces lances des flammes pour distinguer les numéros des brigades par série de couleurs; on donna aussi des fusils à ceux qui n’en avaient point.

La première brigade était commandée par le chef d’escadron