leur œuvre de justice, et conduisissent plus aisément le peuple chrétien dans le port de la sécurité[1]. »
Voilà, il est vrai, la doctrine qui est invoquée dans les rares momens où le pape et l’empereur font leur paix particulière sans s’inquiéter de l’Italie; mais dans le cours ordinaire des choses, quels éclatans démentis sont donnés par les faits à ce prétendu système de pondération ! On comprend même à première vue que l’équilibre fût impossible entre deux pouvoirs représentant des principes différens et des intérêts opposés, tous deux également ambitieux, aspirant chacun à la monarchie universelle, et prétendant reconstituer l’empire de Rome sur le monde, celui-ci comme héritier des césars, celui-là comme successeur de saint Pierre. L’empereur, de qui émane toute autorité temporelle, ne veut pas reconnaître au pape une souveraineté indépendante; le pape, comme dispensateur du droit impérial, absorbe en lui-même les deux pouvoirs, et en se servant indifféremment des deux glaives, il ne s’aperçoit pas qu’il matérialise l’autorité spirituelle. Aussi le moyen âge est-il rempli par l’antagonisme du sacerdoce et de l’empire, qui ne songent plus qu’à se subordonner l’un à l’autre, et qui, dans l’ardeur de la lutte, exagèrent et confondent sans mesure et sans règle la nature et les limites de leur puissance.
On a beaucoup disserté afin d’établir théoriquement le double système de la théocratie pontificale et de la monarchie impériale. Il suffit cependant de quelques textes précis pour montrer en peu de mots sur quel terrain se posaient les deux adversaires. Le pape disait ou faisait dire par ses docteurs : « L’église s’est réservé le patrimoine de saint Pierre comme signe visible de la domination universelle qui lui appartient. L’empereur n’est que son avoué pour le reste, et par conséquent son inférieur. L’empire est bien la plus haute expression du pouvoir temporel, mais à la condition de dépendre du saint-siège. Si l’empire devient vacant, c’est au saint-siège, en qui résident essentiellement les deux pouvoirs, qu’appartient l’administration de l’empire. Le souverain pontife, supérieur au chef de l’empire, est le monarque des monarques. Infaillible dans les choses de la foi, irresponsable dans le gouvernement du monde, il a pour délégués les princes, dépositaires de l’autorité civile, laquelle, ayant sa source dans l’église, doit être exercée pour le bien de l’église. Le dépositaire infidèle peut être dépouillé de sa puissance séculière, comme l’homme retranché de l’église peut être privé de la possession de ses biens, car il n’y a pas de propriété réelle en dehors de l’église. On n’est apte à posséder que parce que l’on est chrétien. La régé-
- ↑ Raynaldi Ann. eccles., ann. 1310, § XIII.