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la lettre que l’empereur vient d’adresser au roi de Piémont. Nous ne mettons pas assurément ces deux documens sur la même ligne ; mais malgré la gravité et la prééminence de la lettre impériale, il n’est pas inutile de jeter d’abord un coup d’œil sur la brochure autrichienne. Seulement, avant d’exprimer une opinion sur le plan qui paraît être convenu entre les gouvernemens de France et d’Autriche, nous croyons devoir rappeler, pour nos amis autant que pour ceux qui ne partagent point nos opinions, les sentimens que nous apportons dans les débats dont l’Italie est le théâtre.

Nous épousons décidément, dans la question italienne, la cause que représentent le Piémont et les gouvernemens provisoires que le vœu des populations a placés à la tête de l’Italie centrale, la cause de l’émancipation nationale et libérale de la péninsule. Il y a bientôt un an, lorsque la guerre se préparait nous avons sans doute regretté que les libéraux italiens, sur la foi d’une alliance qui, pour être celle de la France, n’en était pas moins à leur égard une alliance étrangère, se laissassent aller aux tentations d’une guerre qui n’était provoquée par aucun événement européen, par aucun acte nouveau de la politique autrichienne. Nous déplorions l’enthousiasme belliqueux qui s’était emparé des libéraux italiens. Sans parler des périls dont ce parti-pris violent menaçait l’Europe entière, nous redoutions d’avance les mécomptes auxquels ils exposaient leur propre cause. Vainement nous disaient-ils avant et après le 1er janvier, avant et après l’allocution de l’empereur à l’ambassadeur d’Autriche : « Entre l’Autriche et nous, la lutte est de droit toujours ouverte, et au point de vue pratique nous est-il permis de dédaigner et de perdre l’occasion unique qui s’offre à nous ? » Un tel argument, présenté au nom d’un peuple qui a son indépendance à reconquérir, était sans doute embarrassant ; mais nous leur représentions avec tristesse que l’opinion publique en France n’était persuadée ni de la justice, ni de l’opportunité de cette guerre préméditée. Le cœur de la France serait certainement avec son drapeau et avec ses armées tant que ses soldats seraient engagés ; mais les vicissitudes de la guerre pouvaient changer les calculs et les dispositions de son gouvernement, et des intérêts supérieurs, peut-être contraires aux intérêts italiens, pouvaient faire dévier les conséquences de la guerre des vues qui en auraient été l’objet primitif. Les chefs du libéralisme italien ne se méprirent point sur la sympathie sincère qui inspirait ces regrets et ces prévisions des libéraux français dont nous étions l’écho. La guerre, en éclatant, nous fournit à nous-mêmes l’occasion de prouver notre sincérité, car, une fois la carrière des événemens irrévocablement ouverte, nous ne fîmes point le sacrifice de nos opinions essentielles à un stérile dépit, nous ne subordonnâmes point les principes et les intérêts généraux de notre cause à la vanité des récriminations personnelles. La cause nationale et libérale de l’Italie étant livrée au sort des armes, nous souhaitâmes son triomphe par la guerre d’aussi bon cœur que nous avions encouragé son avancement par la paix. Malgré tous ses inconvéniens, la guerre avait du moins l’avantage de faire table rase des anciens contrats qui déterminaient les délimitations de l’Italie et des légalités tyranniques qui opprimaient ses populations : nous prîmes acte avec joie de cet avantage. La guerre rendait tout possible pour l’avenir ; nous n’eûmes plus d’autre vœu que de voir assuré l’avenir indépendant et libéral