Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 24.djvu/966

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui rançonnent ces malheureux à des taux crians. Une multitude de petites charges accessoires aggravent la taxe principale et irritent le maître de la caravane, qui se promet bien de ne plus s’y laisser prendre. Pendant des siècles, d’impérieuses nécessités commerciales conduisirent les marchands d’Oudjda, Teza, Fez, Figuig, Tafilet, à Tlemcen, que son admirable position avait faite la capitale d’un royaume, une capitale peuplée de cent mille âmes. Les convenances du pèlerinage religieux prolongeaient le courant des voyageurs à travers toute la régence d’Alger, qui recueillait les bénéfices d’un transit important de personnes et de marchandises. Quand ces voies commerciales et religieuses, coupées par la guerre, se rouvrirent avec la paix, la douane s’empressa d’y mettre ordre, par la prohibition d’abord, puis par des tarifs. Au début, la puissance des habitudes procura d’assez belles perceptions, et l’on crut à un succès. D’année en année, les recettes baissèrent ; aujourd’hui la douane ne fait plus ses frais, tant le commerce du Maroc fuit de jour en jour un pays inhospitalier.

Comment une administration qui ne manque certes pas d’intelligence a-t-elle eu l’idée, fort bizarre ce semble, d’échelonner des douaniers sur une longue ligne de désert, tant au Maroc que du côté de la Tunisie et jusqu’au seuil du Sahara ? Elle a voulu complaire à l’industrie française, dont les calicots ne pourraient, disait-on, soutenir la concurrence de l’Angleterre, si celle-ci pouvait arriver impunément à nos frontières de terre. En vérité, une industrie mérite-t-elle des faveurs, lorsque ne lui suffisent pas la protection des frais de transport à travers cent lieues de pays et les taxes douanières de Maroc, de Tunis, de Tripoli ? Ou plutôt peut-on bien prendre au sérieux une telle prétention d’impuissance ? Quel que pût être le dommage, les marchandises d’origine africaine n’y sont pour rien, et elles devraient circuler librement de leur pays d’origine en Algérie, et par l’Algérie en France. Et quant aux marchandises anglaises, leur concurrence accuse surtout l’état des routes de l’Algérie. Un réseau de chemins de fer est la vraie protection qu’il faille accorder au travail national, comme s’appelle lui-même celui des rouenneries, qui n’est pourtant pas le seul digne de ce nom. Ces déplorables barrières ferment à l’Algérie, outre le chemin du Maroc, celui de toute l’Afrique intérieure. La vraie route vers le Soudan et Tombouctou, la plus courte, la plus sûre, la plus fréquentée des indigènes, est celle qui, remontant le bassin de la Moulouïa, aboutit à Tafilet, et de là s’engage dans la vallée saharienne de l’Oued-Guir pour atteindre l’oasis de Touat. De Tafilet à Tombouctou, la route a été suivie par Caillé. Plus d’une fois, des négocians ont songé à établir une factorerie à Sebdou, même plus au loin dans le sud ;