de ces budgets audacieux et savans qui impriment une puissante impulsion aux intérêts, saisissent les imaginations, et deviennent le type d’une ère financière. Ainsi avait fait sir Robert Peel en 1842, ainsi avait fait M. Gladstone lui-même en 1853. Dans sa pensée, 1860 devait laisser une empreinte semblable dans l’histoire financière de l’Angleterre. L’occasion était bonne pour frapper deux grands coups. D’un côté, il fallait signaler à l’Angleterre l’énormité de dépenses où la poussent la nécessité des temps ou ses propres entraînemens : M. Gladstone le pacifique, M. Gladstone l’ennemi des dépenses militaires n’a pas été fâché sans doute de redoubler l’enseignement de ce spectacle, en montrant avec éclat à son pays les efforts et les ressources de taxation que réclament ces attrayantes et ruineuses prodigalités. D’un autre côté, M. Gladstone a voulu apprendre à l’Angleterre que la nécessité des grandes dépenses ne laissait pas périmer la nécessité des grandes réformes qui aident aux progrès de l’industrie et entretiennent le bien-être au sein du peuple. C’est aux époques, a-t-il déclaré, où l’état demande le plus de sacrifices aux citoyens qu’il doit favoriser avec le plus de libéralité le développement de la richesse parmi eux, en les affranchissant des obstructions fiscales qui les embarrassent. Arrivé à cette résolution, où le conduisaient les conséquences matérielles et morales de notre traité de commerce, M. Gladstone en a pris à son aise avec le déficit. Au lieu d’user son ingéniosité et ses moyens d’action à replâtrer des lézardes et à boucher des trous, M. Gladstone a abattu des pans de muraille afin de rebâtir les parties ruinées de l’édifice. Il a profité de la maladie des faits pour redemander aux principes généraux leur saine vertu. Au déficit causé par le traité français il a ajouté ceux qu’entraînait la suppression des derniers abus ou l’opportunité d’heureuses réformes. On ne pouvait justifier le traité de commerce devant un public anglais qu’en le faisant coïncider avec la disparition des derniers vestiges des droits protecteurs. M. Gladstone a pris le tarif anglais ; il en a biffé tout ce qui avait encore l’apparence d’une protection ; il a fait lui-même ainsi de ses propres mains un déficit d’environ 26 millions de francs. Désormais le tarif anglais est bien le tarif du libre échange. Il comptait encore 1,163 articles en 1845, 466 en 1853, 419 en 1859. Après les changemens proposés par M. Gladstone, il n’en contiendra que 48, qui ne peuvent plus avoir d’effet protecteur, qui ne sont maintenus que comme moyens de revenus. M. Gladstone ne s’est pas arrêté là. Il a voulu donner à la classe des consommateurs un allégement sensible. C’était le cas, dira-t-on, de faire remise au public de la surtaxe du sucre et du thé. Le sacrifice eût été trop fort pour l’échiquier au gré de M. Gladstone, et d’ailleurs l’augmentation du produit des droits sur le thé et le sucre lui a paru prouver que ces droits ne pesaient pas trop lourdement sur la consommation. M. Gladstone a cherché ailleurs cette largesse qu’il voulait faire au public, largesse qui pût, avec l’effacement des protections, faire dignement cortège au traité français et léguer à l’avenir un souvenir reconnaissant de la présente année financière. Il l’a trouvée dans les droits sur le papier qu’il supprime, laissant ainsi dans le revenu un nouveau vide de 25 millions de francs.
Tous ces déficits extraordinaires, provenant du traité de commerce, de l’abolition des dernières protections et du droit sur le papier, de quelques réductions sur les droits d’excisé, équivalent, réunis, à une remise faite à la