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consommation commerciale annuelle anglaise de 4 millions sterling, ou environ 100 millions de francs. M. Gladstone, comptant qu’une remise aussi considérable faite au public donnera une impulsion énergique à la consommation, pense que l’échiquier regagnera dès la première année environ 21 millions sur cette somme, ce qui réduirait à 79 millions la perte du trésor. Il faut ajouter en conséquence ces 79 millions au déficit primitif qui résultait de la comparaison des dépenses avec les revenus ordinaires de cette année : or ce déficit s’élevait déjà à 235 millions. Il y avait donc à trouver les ressources nécessaires pour combler cette balance de 314 millions. M. Gladstone y pourvoit d’abord en maintenant la surtaxe du sucre et du thé, ensuite en faisant quelques économies peu importantes sur les frais de perception de l’impôt, ou en tirant de nouvelles ressources d’une taxe légère sur l’enregistrement des marchandises aux bureaux de douane, puis en recouvrant des droits dus par les brasseries et la production du houblon, droits dont l’administration ajournait jusqu’à présent de plusieurs mois la perception, et dont elle faisait ainsi en quelque sorte l’avance aux contribuables, enfin en demandant le renouvellement de l’income-tax sur la base de 10 pence pour livre, ou 4 pour 100 sur les revenus de 150 livres et au-dessus, et de 7 pence sur les revenus inférieurs à 150 livres, en stipulant l’acquittement de trois termes de cet income-tax avant la fin de l’année. Les crédits retirés sur le malt et le houblon procureront une ressource de 35 millions de francs ; les trois termes de Vincome-tax recouvrables dans le courant de cette année donneront environ 222 millions. Il y a une observation importante à faire sur les crédits du malt et du houblon : ils ne constituent pas une ressource permanente, ils ne profiteront qu’au revenu de cette année. Si par conséquent il ne devait pas y avoir l’année prochaine de diminution de dépenses, il faudrait les remplacer par une autre ressource. En ce sens, le budget des recettes de M. Gladstone ne présente pas tout à fait le type d’un budget définitif. On dirait que le chancelier de l’échiquier a voulu resserrer la liberté d’action de la chambre des communes et de son pays dans les termes d’une option étroite. « Choisissez, semble-t-il leur dire implicitement, entre la réduction de vos dépenses et l’augmentation de l’impôt du revenu ; ou vous dépenserez moins pour la marine et pour l’armée, ou vous paierez l’an prochain 1 shilling pour livre, ou 5 pour 100 de taxe sur le revenu. » La signification du budget de M. Gladstone est claire : la réduction des droits sur le sucre et le thé étant encore ajournée, le premier dégrèvement futur appartenant ainsi par droit d’antériorité à un grand impôt de consommation, il est évident que l’impôt direct sous forme de taxe de revenu devient un élément permanent des finances anglaises.

Tel est à grands traits le budget de M. Gladstone. On voit que c’est une conception courageuse, systématique et vaste. Nous serions fort surpris si ce plan, autant par les risques actuels qu’il affronte que par les principes qu’il engage pour l’avenir, ne soulevait pas au sein du parlement anglais une vive opposition. Des libéraux prudens pourront reprocher à M. Gladstone d’avoir de gaieté de cœur sacrifié, dans un moment de gêne, une trop grande portion du revenu ; ils pourront élever des doutes sur ses évaluations, peut-être un peu complaisantes, sur les accroissemens de consommation qu’il attend comme conséquence de l’abaissement de certains droits. Ils pourront