Dans ces prés ne retourne pas ;
Le bois mort que le vent y sème,
Avec la trace de vos pas,
À caché le sentier lui-même.
Tu peux marcher jusqu’à la nuit,
Tu seras seul avec ton livre :
On refuse, hélas ! de te suivre
Où jadis on t’avait conduit.
Tu n’aurais là d’autre cortège
Qu’oiseaux noirs et loups aux abois ;
L’hiver a changé dans les bois
Vos lits de mousse en lits de neige.
Voici l’heure où le souvenir
Peuple seul la forêt discrète ;
Sans y troubler aucune fête,
Les morts peuvent y revenir.
Au bord des étangs et des chaumes,
À l’abri dans les chemins creux,
Tu peux converser avec eux ;
Suis pas à pas ces chers fantômes.
Ils te ramènent par la main
Dans ce passé que l’on t’envie,
Où les lambeaux de votre vie
Pendent aux buissons du chemin.
Qu’ont-ils fait de leurs premiers charmes,
Ces jardins aux vives couleurs,
Où l’on récolte moins de fleurs,
Hélas ! qu’on n’y sème de larmes ?
Voici les berceaux familiers
Où, dans la mousse et les pervenches,
Les baisers chantaient par milliers,
Comme les oiseaux sur les branches.
Mais ces arbres et ces soleils,
S’ils t’ont prêté l’ombre et la flamme,
S’ils t’ont donné leurs fruits vermeils,
Ont pris tous des parts de ton âme.
Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 25.djvu/252
Apparence
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.