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plainte au ministre. Ces dispositions n’effrayèrent nullement le vice-gouverneur ; il enjoignit au contraire aux procureurs de veiller à ce que le prisonnier ne s’échappât point L’enquête fut commencée par le maître de police, et l’on prétendit que, tant par la cruauté naturelle de son caractère que pour être agréable au vice-gouverneur, il obligeait le prince à rester debout devant lui, deux et trois heures de suite, durant les interrogatoires. On prétendit aussi que des passans avaient entendu des cris et des gémissemens dans la prison, ce qui semblait indiquer que les personnes impliquées dans cette affaire étaient soumises à des actes de violence, en d’autres termes à la question. »

La fille du prince veut cependant assurer un protecteur au prisonnier. Son mari, craignant d’être compromis dans l’affaire, l’a quittée brusquement sous le prétexte d’un lointain et indispensable voyage. La jeune princesse se fait donc solliciteuse ; elle vient trouver Pauline, qui lui révèle la cause de l’arrestation : le prince s’est fait de Kalinovitch un irréconciliable ennemi en lui rappelant d’une façon blessante l’origine de sa fortune. Pauline consent néanmoins à voir le prisonnier, à lui faire parvenir quelques secours. Elle se rend à la prison ; on lui ouvre la cellule où languit le malheureux Raminsky. Qu’arrive-t-il ? Au moment où elle va quitter le prince, un peu raffermi et consolé, le gouverneur paraît, suivi du directeur de la prison, pâle et tremblant.


« — Les dames s’intéressent tellement à votre sort, mon prince, dit Kalinovitch avec une émotion mal contenue, que je ne puis leur défendre de venir vous voir, quoique cela soit tout à fait contraire à l’ordonnance.

« — J’en suis fort reconnaissant ! lui répondit le prince.

« — Mais je vois que l’on vous a mal logé, et je vais donner des ordres en conséquence. Allons ! dit-il à sa femme, qui était plus morte que vive, je suis venu vous chercher. Sortons… Au revoir, prince.

« Et il emmena sa femme.

« La voiture les attendait à la porte ; Kalinovitch monta le dernier, et ferma violemment la portière. Chemin faisant, le cocher crut entendre du bruit ; il lui sembla que ses maîtres parlaient à haute voix. Lorsqu’on arriva, Kalinovitch descendit le premier, et il se retira immédiatement dans son cabinet. Un laquais fut obligé d’aider Pauline à descendre ; elle marchait avec peine, et un capuchon soigneusement rabattu cachait sa figure.

« La visite du vice-gouverneur à la prison eut plusieurs conséquences. Le prince fut transféré dans un cabanon où l’on avait renfermé peu de temps auparavant un noble arrêté pour vol à main armée. Le commandant du bataillon donna ordre aux officiers de garde à la prison de ne laisser pénétrer personne auprès du prince Raminsky. Le vice-gouverneur demanda de son côté à l’administration de destituer le directeur de la prison. »


Kalinovitch manque ici de prudence. Destituer le directeur de la prison, n’est-ce pas donner un puissant auxiliaire au prisonnier ? Le prince ne va-t-il pas trouver un appui dans le fonctionnaire destitué ?