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chauffage et aux constructions ; les bois d’ébénisterie nous font à peu près défaut, et les bois précieux nous manquent totalement. On se souvient des magnifiques échantillons qui ont été envoyés à l’exposition de 1855 par l’Australie, la Guyane, le Canada. Parmi ces nombreuses espèces, dont les unes peuvent acquérir un poli des plus brillans, dont les autres, à peu près incorruptibles, seraient fort précieuses pour les constructions navales, il en est beaucoup qui végètent dans des conditions de sol et de climat absolument semblables à celles qu’elles rencontreraient chez nous, et qui, selon toute probabilité, pourraient y prospérer. Pourquoi n’essaierait-on pas, par exemple, d’acclimater l’eucalyptus de la Nouvelle-Galles du Sud, dont la croissance est si rapide, et qui, à la dureté de son bois et à la beauté de ses nuances, joint une inaltérabilité presque absolue, ou le Pinus Washingtonia, ce colosse de la Californie, qui n’atteint pas moins de 100 mètres de long sur 10 mètres de tour ? Un premier pas a déjà été fait, et il est encourageant ; le cèdre, le pin weymouth, le vernis du Japon, le peuplier de Virginie, sont des essences devenues françaises, qui permettent de bien augurer de nouvelles tentatives. Ce serait à l’état de prendre l’initiative[1] ; possédant des forêts sur tous les points de la France, il serait plus à même que personne de faire des essais sur une assez grande échelle et de mettre ces essences exotiques dans les conditions qui se rapprochent le plus de celles où elles se trouvent dans leurs pays d’origine, et par conséquent les plus favorables à l’acclimatation.

Les divers travaux que nous venons d’énumérer ont pour effet d’augmenter la quantité ou d’améliorer la qualité de la production ligneuse. Ils sont, on a pu s’en convaincre, de tout point comparables aux procédés perfectionnés employés en agriculture, et l’application de ces principes aux forêts constitue une sylviculture que nous pouvons à bon droit qualifier d’intensive. Il y a entre la futaie et le taillis la même différence qu’entre le système des assolemens et celui des jachères ; l’usage des irrigations, l’exécution de repeuplemens artificiels et l’introduction d’essences exotiques sont pour la sylviculture des progrès de même ordre que le drainage, l’emploi d’amendemens spéciaux ou une plus grande profondeur des

  1. Louis XVI, que ces questions préoccupaient beaucoup, avait envoyé Michaux en Amérique dans cette intention. Ce naturaliste s’est livré a une étude approfondie des diverses essences dont l’acclimatation lui paraissait possible : il avait particulièrement signalé le chêne rouge, le quercitron, le cyprès chauve, le pin de Riga, etc., comme pouvant s’accommoder du climat de la France, et il avait expédié des graines et des plantes qui ont servi à faire des essais à Rambouillet, au bois de Boulogne et au parc de Monceaux. La plupart de ces essais ont réussi, et il est à regretter qu’ils n’aient pas été suivis et exécutés avec plus de persévérance.