particulièrement toucher une nation qui aime à fonder toute connaissance certaine sur l’expérience et l’induction, et comme il est rare que l’esprit humain ne contracte pas une partialité exclusive pour la méthode qu’il préfère, on compte en petit nombre les écrivains anglais qui se montrent sensibles aux preuves a priori de l’existence de Dieu et surtout qui daignent accorder une sérieuse attention aux deux argumentations de Descartes. Un Anglais cartésien est difficile à trouver, même à l’époque où le cartésianisme portait le trouble dans les deux universités, et Malebranche, plus heureux que son maître, eut du moins un disciple éminent dans John Norris, que Locke a pris la peine de réfuter.
Ce n’est pas qu’on ne put prouver à Cudworth, à Locke lui-même, que leurs argumens en faveur de l’existence de Dieu n’empruntent pas beaucoup plus à l’expérience que ceux de Descartes; mais il faut descendre jusqu’à Samuel Clarke pour trouver un Anglais de quelque renommée qui tente résolument d’établir a priori l’existence de Dieu. Clarke avait passé par Descartes pour arriver à Newton, et quoiqu’il ait rejeté la philosophie du premier avec sa physique, on sent toujours qu’il a traversé son école. Ce n’est pas un pur baconien, ni un disciple de Hobbes qui eût écrit le Traité de l’existence et des attributs de Dieu.
L’auteur de ce célèbre ouvrage ne cache pas qu’il n’est point content de la preuve a posteriori. Les phénomènes naturels prouveraient tout au plus qu’il y a eu, depuis que ces phénomènes ont commencé, un être assez sage et assez puissant pour les produire et les conserver; mais que cette cause première ait existé ou doive exister de toute éternité, ils ne le prouvent pas, et jamais de l’existence de l’imparfait on ne déduira valablement l’existence de la perfection. La preuve a posteriori ne peut servir à établir un seul des attributs de Dieu, et qu’est-ce que Dieu sans aucun attribut divin ? Quant à la preuve a priori, elle prétend bien, il est vrai, démontrer l’existence par les attributs mêmes ; mais les difficultés que rencontre l’argument principal de Descartes attestent assez qu’il n’est pas suffisamment clair et démonstratif, et on répugnera toujours à conclure de la possibilité de concevoir l’existence au nombre des perfections d’un être qui les aurait toutes à l’existence certaine de cet être. La véritable manière de prouver Dieu serait donc, comme l’a dit Leibnitz, « de chercher la raison de l’existence du monde, qui est l’assemblage entier des choses contingentes, dans la substance qui porte la raison de son existence avec elle. » C’est là ce que Clarke a essayé. Il pose d’abord que quelque chose existe de toute éternité, puisque quelque chose existe aujourd’hui, ou que l’existence de l’être contingent prouve celle de l’être nécessaire. Puis il établit déductivement que l’être nécessaire est nécessairement indépendant, im-