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que les connaissances techniques. La voie terminée, les directeurs durent choisir un système de traction : les ingénieurs consultés sur ce point recommandèrent unanimement l’emploi de machines à vapeur fixes, réparties de distance en distance sur toute la longueur du chemin, et devant, à l’aide d’un câble, remorquer les trains d’une station à l’autre. Stephenson, seul contre tous, patronait la locomotive et défendait son opinion avec modestie, mais avec une fermeté imperturbable, contre les plus célèbres autorités. Sur ses instances, on alla visiter à plusieurs reprises le chemin de fer de Darlington à Stockton, desservi par les locomotives sorties de ses ateliers de Newcastle. Les directeurs, dans leur embarras, eurent l’heureuse idée d’ouvrir un concours où ils appelèrent les ingénieurs de tous les pays ; un prix de 500 livres sterling était offert à celui qui, le 10 octobre;1829, présenterait une locomotive, pesant six tonnes au plus, capable de remorquer vingt tonnes à la vitesse de dix milles par heure. Stephenson se prépara avec ardeur à une épreuve d’où dépendaient sa réputation et son avenir. Il avait depuis quelque temps mis à la tête de son atelier de construction de Newcastle son fils Robert, revenu de l’Amérique du Sud, où il était allé exploiter des mines d’argent. Le père et le fils se mirent à l’œuvre avec un zèle égal, et s’appliquèrent à donner à leur locomotive une puissance nouvelle. Le principal défaut de ces machines consistait dans la production insuffisante de vapeur; l’ébullition n’y était pas assez active, parce que la flamme n’échauffait la chaudière que sur une trop petite surface dans le trajet du foyer à la cheminée. Pour agrandir la surface de chauffe, Stephenson avait bien, comme on fa vu déjà, introduit à l’intérieur de la chaudière un grand tube où circulait la flamme; mais ce moyen était encore insuffisant. Un Français, M. Marc Séguin, attaché au petit chemin de fer de Saint-Étienne, avait, en 1829, découvert la véritable chaudière qui convient aux locomotives ; on la nomme chaudière tubulaire, parce qu’elle est sur toute la longueur traversée par un grand nombre de tubes creux qui servent de conduits à la flamme : la masse de l’eau, par ce moyen aussi simple qu’énergique, n’est plus seulement échauffée par les simples parois d’un récipient qui la contient, mais par une multitude de canaux qui apportent la chaleur dans toutes les parties. M. Henry Booth, secrétaire du chemin de fer de Liverpool à Manchester, sans avoir, paraît-il, connaissance des heureux essais de M. Séguin, eut la même idée que lui, la soumit à George Stephenson, qui en comprit immédiatement la portée et l’adopta avec empressement. Dès longtemps il avait, contrairement à tous les ingénieurs de son époque, compris que la vitesse des locomotives était intimement liée aux dimensions de la surface de chauffe, et que, pour atteindre une célérité encore inconnue, il suf-