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invariable, dans laquelle on pourra se mouvoir en toute liberté... Le mot homologation lui-même ne signifie rien autre chose que vérification. » Il convient d’ajouter que l’administration ne paraissait guère pressée au début de constater l’étendue de son droit, car sa formule d’homologation était primitivement ainsi conçue : « J’ai reçu le nouveau tarif... J’ai reconnu que les prix étaient tous maintenus dans le maximum fixé par la loi. En conséquence, je ne puis qu’homologuer ce tarif. » Finalement, l’incertitude ainsi jetée dans les esprits au sujet de la base même du régime des chemins de fer était telle que M. Vivien pouvait, dans l’enquête de 1850, poser à M. Péreire la question suivante : « L’administration peut-elle en certains cas apprécier le montant du tarif, même inférieur au maximum, et apposer son veto à la proposition de la compagnie? » et en recevoir la réponse que je viens de transcrire. Aujourd’hui les compagnies admettent très nettement que l’administration est autre chose qu’un bureau d’enregistrement; mais il est à remarquer que dans le mémoire, d’ailleurs écrit avec une connaissance profonde de la question, sur les tarifs de chemins de fer et l’intérêt public, on chercherait en vain un mot sur ce rôle fondamental que joue l’administration relativement aux transports sur les voies ferrées.

Un abaissement de tarif accordé par une compagnie concessionnaire à tous les expéditeurs, sans qu’ils aient à se préoccuper d’autre chose que des conditions du cahier des charges, constitue, sous le nom de tarif général, la seconde sorte de tarif et la première forme de tarif réduit. Plus ou moins abaissé au-dessous du maximum légal, ce nouveau tarif ne pouvait suffire par lui-même à développer le trafic. Comme toute autre entreprise commerciale, une compagnie de chemin de fer a, dans certaines limites, un intérêt manifeste à s’assurer, pour la denrée qu’elle débite, un grand nombre de consommateurs lui offrant individuellement une faible rémunération, plutôt qu’à en réunir un petit nombre auquel elle pourrait la vendre à un haut prix. Elle n’atteindra donc son but qu’au moyen d’une nouvelle et dernière grande catégorie de tarifs, qu’on appelle spéciaux, parce que la jouissance n’en est accordée qu’en échange de conditions particulières, dont le cahier des charges d’une concession de chemins de fer n’a pu prévoir que le principe. Ce sont précisément les détails d’exécution qui donnent en partie lieu à cette lutte acharnée dont il est nécessaire de rappeler les divers incidens.

Le tarif maximum légal et le tarif général ne se prêtent naturellement à aucune combinaison; mais le tarif spécial se distingue par une malléabilité qui laisse le champ libre et permet à un chef d’exploitation habile d’appeler sur le chemin de fer des élémens de trafic dont plusieurs même n’étaient point acquis précédemment aux entreprises de transport des routes de terre ou des voies navigables.