Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 25.djvu/883

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


II.

Il traita secrètement avec Charles-Quint. Des relations s’étaient déjà établies entre eux avant la rupture de l’empereur et de François Ier Le connétable, au su du roi et avec son agrément, avait envoyé l’un de ses affidés, Philibert de Saint-Romain, seigneur de Lurcy, auprès de Charles-Quint, pour négocier un arrangement relatif au duché de Sessa, dans le royaume de Naples, sur lequel il conservait des prétentions. Il avait offert des chevaux, des haquenées, des lévriers, des arbalètes et des épieux de chasse en présent à l’empereur, qui, de son côté, avait dépêché le seigneur de Longueval et un gentilhomme nommé Trollière vers le connétable pour le remercier et l’honorer[1]. Charles-Quint mettait autant de soin à acquérir de nouveaux amis que François Iermontrait de négligence à conserver ses anciens serviteurs. Aussi devait-il s’attacher tous ceux que son imprudent rival éloignait de lui. Il n’oublia rien, quelques mois après la mort de Suzanne de Bourbon, pour gagner le connétable, qu’il savait être disgracié sans qu’il fût encore prêt à devenir rebelle. Il n’était pas lui-même en guerre avec François Ier Il avait fait dire au connétable par le prévôt d’Utrecht, Philibert Naturelli, son ambassadeur à la cour de France : « Monsieur, vous êtes maintenant à marier ; l’empereur mon maître, qui vous aime, a une sœur dont j’ai charge de vous parler, si vous y voulez entendre[2]. » Le connétable fit remercier l’empereur de cette proposition, qui ne fut dans ce moment ni rejetée ni admise.

Un peu plus tard, après que la guerre eut été déclarée, et lorsque la duchesse d’Angoulême et François Iereurent réclamé les biens de la maison de Bourbon, le connétable, non moins certain de sa ruine que persuadé de son droit, chercha dans ce mariage un moyen de se soutenir ou de se venger. La duchesse Anne elle-même fut de cet avis. La fille de Louis XI, qui avait gouverné le royaume de France avec tant de fermeté et de bonheur pendant la jeunesse de son frère Charles VIII, en maintenant à l’autorité sa force et au territoire ses agrandissemens, avait changé de maximes en changeant de position. La duchesse de Bourbonnais ne pensait plus comme avait agi la régente de France. Elle chercha des appuis à la grandeur de la maison dans laquelle elle était entrée, et dont

  1. Dépositions du chancelier de Bourbonnais Popillon, f. 243 r°, de Saint-Bonnet, f. 49 V°, de l’élu Petit-Dé, f. 76 r°, dans le vol. 484 de la collection Dupuy, qui contient toutes les pièces du procès criminel du connétable de Bourbon aux mss. de la Bibliothèque impériale.
  2. Interrogatoire de l’évêque d’Autun. Mss. Dupuy, no 484, f. 230 r° et V°.