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capitaines[1] ; mais Bonnivet fut d’un avis différent. Malgré les revers qu’il avait essuyés naguère, il avait conservé la faveur de François Ier, qui avait toujours en lui la plus grande confiance. Il prétendit que la place de Lodi, successivement fortifiée par Francesco Sforza et par Federico da Bozzolo, et défendue par les troupes encore nombreuses de l’empereur, ne serait pas facile à emporter et qu’en l’attaquant on s’exposerait à échouer devant ses murailles. Il soutint qu’au contraire il serait aisé de s’emparer de Pavie ou de force ou par la défection des lansquenets, qu’on savait mal payés, qu’on disait mécontens, et sur lesquels Antonio de Leyva ne pouvait pas avoir beaucoup d’autorité. Selon lui, les Allemands réduits ou gagnés, il deviendrait impossible aux Espagnols, privés de leur grosse infanterie, de se maintenir dans le Milanais, et ils se retireraient en toute hâte au royaume de Naples. François Ier le crut et se transporta devant Pavie avec toute l’armée, espérant qu’après avoir battu ou séduit la garnison de six mille hommes qui était enfermée dans cette importante ville, il serait le maître du Milanais tout entier et pourrait même entreprendre l’invasion de Naples. En ce moment, Pescara mettait en état de défense Lodi, qu’il avait trouvé mal fortifié, sans vivres et sans munitions. Il craignait d’y être attaqué avant d’être en mesure de s’y soutenir. Aussi, en apprenant que le roi de France, au lieu de marcher sur l’Adda, était allé camper vers le Bas-Tessin, il dit avec une joie prévoyante et une confiance fondée : « Nous étions vaincus, avant peu nous serons vainqueurs[2]. »

François Ier ne différa pas son attaque, s’il la dirigea du mauvais côté. Dès le 26 octobre, vingt jours après être parti d’Aix, il parut en vue de Pavie. Il l’investit aussitôt, en attendant la grosse artillerie dont il devait se servir pour battre ses murailles. Seconde ville du duché de Milan, Pavie avait été autrefois la capitale du royaume d’Italie. Attachée de tout temps à la cause de l’empire, elle s’était conservée gibeline avec une opiniâtre fidélité. Elle était grande et riche, couverte de monumens et d’églises, célèbre par son université comme par son histoire. Elle avait une vaste enceinte de murailles, garnies de tours, précédées de fossés, flanquées de bastions, défendues du côté qui faisait face à Milan par une citadelle, et l’on n’y pénétrait que par des portes fortifiées. Assise pour ainsi dire sur les bords du Tessin, elle voyait couler à l’ouest cette rapide rivière sortie du Lac-Majeur, qui, changeant de direction à une lieue de ses murailles, venait la baigner au sud et tombait un peu plus bas dans le Pô. Vers le point où il coulait au sud, le Tessin se divisait en

  1. Du Bellay, t. XVII, p. 458, 459. — « L’amiral Bonnivet, dit-il, du conseil duquel le roy usoit plus que de nul autre. » P. 450. — P. Jovius. Vita Piscarii, p. 368.
  2. P. Jovius, Vita Piscarii, ibid.