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à son école, et l’héritier futur de sa renommée et de son habileté militaires. Les lansquenets étaient sous les ordres de deux hommes de guerre éprouvés, les comtes de Hohenzollern et de Lodron, avec lesquels se trouvait le fils du fameux George Frondeberg. Des victoires récentes et successives avaient rendu supérieurs aux bataillons suisses ces corps de lansquenets, dont la valeureuse obéissance était néanmoins subordonnée à l’acquittement régulier de leur solde.

Dès qu’il eut traversé le Var, le connétable s’établit au camp de Saint-Laurent, vers les bords de la mer, pour y recevoir son artillerie, qu’il avait fait transporter sur des navires castillans et génois. Il comptait y attendre aussi la portion de son armée qu’il avait laissée derrière les Alpes[1]. Le château de Monaco, qui dominait un port favorable à des débarquemens de vivres et de canons, et que sa position rendait imprenable, lui avait été ouvert par Augustin Grimaldi, évêque de Grasse et tuteur du jeune Honoré Grimaldi, à qui en appartenait la seigneurie. Ce port abrité devait lui être d’autant plus utile que la flotte française tenait la mer. L’entreprenant Génois André Doria, dont les galères étaient la patrie depuis qu’il avait perdu la sienne, et qui devait conserver à François Ier la supériorité dans la Méditerranée tant que François Ier saurait le garder à son service, avait joint sa petite flotte à celle que commandait le seigneur de La Fayette, que le connétable de Bourbon avait un moment compté au nombre de ses complices. Plus forte que la flotte impériale, placée sous les ordres de Ugo de Moncada, elle avait capturé quelques jours auparavant le prince d’Orange, parti d’Espagne sur un brigantin pour se joindre au lieutenant de l’empereur. Elle attendait dans ces parages les navires ennemis, qui longeaient la côte, et qui devaient porter à l’armée d’invasion des canons, des munitions et des vivres.

L’expédition fut menacée à son début de perdre les moyens sans lesquels elle ne pouvait pas être continuée. Au moment où la flotte espagnole approchait du lieu où Bourbon avait dressé son camp, la flotte française fondit sur elle, et y jeta le désordre et l’effroi. La plupart des navires espagnols prirent le large et retournèrent vers Monaco, où ils débarquèrent l’artillerie ; mais trois galères, dont les mouvemens furent moins prompts ou les équipages plus épouvantés, se jetèrent à la côte, et furent abandonnées avec les pièces qu’elles portaient par ceux qui auraient dû les manœuvrer et les défendre, et qui s’enfuirent vers la montagne. Elles allaient être prises à la vue même de l’armée, ce qui lui aurait été à la fois un

  1. juillet 1524. — Arch. imp. et roy. de Vienne.