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dans ces regrettables années d’abondance extrême où le prix des grains baisse plus que n’augmente le rendement, sans qu’une baisse analogue dans les frais de production vienne apporter aucun allégement aux souffrances des cultivateurs ! Que serait-ce donc depuis 1855, époque à partir de laquelle les salaires des ouvriers agricoles ont suivi une marche ascensionnelle si persistante et si rapide !

Évidemment de tels chiffres, s’ils étaient vrais, entraîneraient cette impossible conclusion, que nos fermiers, dans beaucoup de départemens, perdent toujours à produire les céréales qu’ils portent au marché. Or, je le demande, un tel résultat est-il sérieusement le but qu’atteignent et que s’obstinent à poursuivre nos agriculteurs ? Non certes ; les choses ne se passent pas ainsi, et les progrès de nos campagnes, quoique beaucoup moins rapides que les progrès de nos villes, quoique momentanément compromis par l’excessive émigration de nos jeunes paysans, prouvent que, dans son état normal, la profession des cultivateurs n’est pas seulement la plus libre, la plus indépendante de toutes, mais aussi qu’elle est profitable aux intérêts de ceux qui savent l’exercer avec amour et intelligence. Cette profession a sans doute l’inconvénient de créer ses richesses plus lentement que l’industrie, et par conséquent de ne pouvoir pas compter autant sur le crédit, qui par goût n’aime pas les longs termes ; elle est aussi vis-à-vis de l’impôt dans un état de souffrance regardé à bon droit comme injuste. Sous l’influence de la doctrine erronée des physiocrates, qui prétendaient que la terre seule produisait des valeurs, et aussi sous l’influence de la réaction qui eut lieu en 89 contre les déplorables abus des anciens grands possesseurs de la terre, on a peu à peu, directement et indirectement, fini par demander à la propriété rurale plus qu’il n’était équitable. Que l’on compare les conditions fiscales subies par la transmission et l’exploitation du sol aux conditions qui régissent la transmission et l’exploitation de la propriété mobilière, — même en tenant compte des égards que nécessite l’instabilité de celle-ci, — et l’on verra si les campagnes n’ont pas le droit de se plaindre. Toutefois elles donnent encore à l’homme qui sait les cultiver assez de profit pour qu’après avoir vécu et payé ses charges, celui-ci fasse à ses champs, depuis plus d’un demi-siècle, des avances de plus en plus considérables.

Il est donc évident que les chiffres établis par la Statistique agricole, pour ce qu’elle nomme de bonnes années moyennes, sont des chiffres inexacts. Des céréales passons aux racines.

Dans le département du Cantal, la récolte des pommes de terre en 1852 a si bien été une récolte normale qu’on y a obtenu en bons et mauvais tubercules 506,685 hectolitres, lorsque les années ordinaires en donnent 506,687. Cette première similitude laisserait presque supposer que les terribles maladies qui, depuis si longtemps, nuisent à l’alimentation de nos animaux, et par conséquent à la production du fumier en restreignant la culture des