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tises : bien au contraire, il leur enseigne de temps en temps d’assez jolies choses ; mais le voilà qui t’a vu, et il te reconnaît, car il arrive les bras ouverts. Appelle-le Pindare, et tout ira bien ! »

Sept-Épées attendri serra le vieux poète sur son cœur, et reconnut bientôt que Va-sans-Peur ne l’avait pas trompé : Audebert était heureux. Il pensait que le monde lui avait enfin rendu justice, et depuis qu’il se rêvait au comble de la gloire, il était modeste et parlait fort peu de lui. Il signait Pindare et portait des lauriers ; c’était là toute sa folie, et il la devait peut-être à une mauvaise pièce de vers qui lui avait été adressée au fameux banquet, pièce dans laquelle on l’avait comparé au poète de l’antiquité. Cette erreur entraînait logiquement chez lui celle de ne pouvoir se persuader que Pindare, revenu sur la terre, pût s’astreindre au métier de coutelier. Il trouvait donc fort simple que les populations fussent empressées de lui offrir la table et l’hospitalité, et il n’y mettait pas d’indiscrétion, car il était resté fort sobre, et sa clientèle était assez nombreuse pour qu’il pût, durant tous les jours de l’année, entrer chez un hôte nouveau sans l’importuner.

Il causa un instant avec Sept-Épées de la manière la plus cordiale, toujours un peu vague, mais enjouée, et sans paraître étranger à aucun des événemens de la réalité. — Tu as perdu ta fabrique, lui dit-il. La montagne a voulu se venger de nos défis. Je vois que tu prends cela avec courage et sagesse, et tu as bien raison. Le bonheur n’est pas dans un tas de pierres, et, pas plus que moi, tu n’étais destiné à être l’esclave d’une machine. La joie t’attend au véritable logis : celui de l’amour et de l’amitié ; c’est pourquoi je te quitte, car tu dois être pressé de revoir ce que tu aimes !

Là-dessus il embrassa encore Sept-Épées, et continua sa promenade avec les enfans, qui se remirent à l’escorter, fiers de montrer au voyageur le soin qu’ils avaient de lui.

— Dépêchons-nous, dit Sept-Épées à son compagnon, il me tarde bien d’arriver ! et pourtant je me demande si je ne devrais pas t’envoyer en avant pour prévenir nos amis. Je crains que Tonine…

— Bah ! bah ! Tonine ! répondit Va-sans-Peur en levant les épaules ; est-ce que tu y penses toujours ? Voilà qui ne serait pas raisonnable par exemple !

— Que veux-tu dire ? s’écria Sept-Épées ; ah ! oui, je comprends ! tu penses qu’elle est pauvre, malade, endettée, et que, ruiné comme me voilà, je reviens pour épouser la misère ? Tu te trompes, mon camarade ! Il n’y a pas de misère pour celui qui a du courage et un peu de talent, et rien n’est impossible d’ailleurs à celui qui aime.

— Tu me dis là des choses auxquelles je ne comprends rien du