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et les études pour ce tableau qui existent au musée de Lille, cette composition montrait déjà quelques traces d’un style nouveau. Le Pérugin n’aurait pas manqué de placer la Vierge sur un trône, et les saints qui contemplent la scène debout et symétriquement disposés, comme il l’a fait dans son Ascension du musée de Lyon. Raphaël s’écarte déjà légèrement de la tradition en donnant à ses personnages plus de mouvement, et quoique Vasari nous dise que si ce tableau n’était pas signé, on le croirait du Pérugin, Lanzi remarque que si le style est encore celui du maître, c’est à l’élève qu’appartient la disposition du sujet.

De la même année d’après M. Passavant, de 150A seulement selon Rumohr, serait le Christ en croix, qui a passé de la galerie Fesch dans celle de lord Ward. L’Assomption, ou plus exactement le Couronnement de la Vierge, en trois compartimens, du musée du Vatican, que nous avons eu à Paris de 1797 à 1815, appartiendrait à l’année 1502 ; mais de tous les ouvrages que Raphaël exécuta dans cette première période, son Sposalizio de la galerie de Brera, signé de 1504, qu’il fit pendant son séjour à Gittà di Castello, à la veille de partir pour Florence, et que la belle gravure de Longhi a popularisé, indique d’une manière très précise que le jeune peintre d’Urbin était loin de s’être encore affranchi de la tutelle de son maître. Le Mariage de la Vierge est une œuvre charmante, dont s’enorgueillit à juste titre le musée de Milan, mais elle n’est point originale ; c’est une répétition textuelle du beau tableau que le Pérugin fit en 1495 pour la cathédrale de Pérouse, et qui se trouve aujourd’hui au musée de Caen. Les deux compositions sont pour ainsi dire calquées l’une sur l’autre : même disposition, mêmes types, même dessin un peu sec et grêle, même exagération dans la longueur des figures, même fond d’architecture, dont le Pérugin avait du reste introduit déjà le motif dans sa fresque du Vatican, le Christ donnant les clés à saint Pierre. Dans le tableau de Raphaël se trouvent cependant quelques modifications qui ne sont pas sans intérêt : il a donné plus d’importance au temple, dont les profils et les moindres détails sont étudiés avec un soin extrême ; il a, par contre, diminué la proportion des figures, mais il a doué les formes d’une réalité, les expressions d’une grâce naïve et d’une pureté qui n’existent pas au même degré dans l’œuvre du Pérugin.

C’est encore pendant cette année 1504, après avoir quitté l’école de Vannucci et être retourné pour quelque temps à Urbin, qu’il fit pour le duc Guidobaldo les deux charmans petits tableaux du Louvre, le Saint George[1] et le Saint Michel, dont il ne faut pas mesurer

  1. Il en existe une répétition à Saint-Pétersbourg, mais elle est de plusieurs années postérieure à l’exemplaire du Louvre.