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Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 27.djvu/879

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L'ARRIERE-SAISON
DE LA POESIE

POETES ET VERS NOUVEAUX.

Avez-vous quelquefois contemplé les campagnes au déclin des beaux jours, à ce moment qui n’est plus déjà l’été et qui n’est pas encore l’hiver ? La terre n’est plus telle que la fît le printemps dans son luxe de fraîcheur et de fécondité. De longues plaines s’étendent dépouillées de leurs moissons. À la place des blés disparus, les végétations parasites croissent confusément. Les tiges, en se multipliant sur un même tronc, ont moins de vigueur et ne produisent plus de fruits. Les plantes fatiguées retombent sur elles-mêmes, et les ondées qui viennent les rafraîchir ne leur communiquent qu’un éphémère et pâle éclat. Les chaleurs dévorantes, les poussières de l’été et les orages meurtriers ont passé par là. La nature, avec des dehors de plénitude et de calme, apparaît dans cette heure singulière de désordre où tout ce qui reste de fleurs, de verdure, de végétation nouée et excentrique, atteste un travail qui finit, une sève qui s’épuise ou s’égare sans se renouveler désormais. Il y a des momens semblables dans le monde de l’imagination et de l’art. Les grandes moissons de l’esprit ont eu leur jour, puis l’élan s’arrête, et voici l’arrière-saison qui commence avec tout ce qui décèle l’indécision et la lassitude. La force créatrice, qui naguère se concentrait en jets vigoureux et précis, semble maintenant suspendue, ou se disperse