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des chants patriotiques, non pour motiver de sérieuses conventions internationales et de justes attributions territoriales.

Ce qui fait que des trois noms de nationalité, germanisme, panslavisme, italisme, le troisième a une signification légitime, c’est que l’Italie, avec l’identité de langue et de littérature, a une seule frontière, les Alpes, et partout ailleurs la mer pour ceinture. Une nationalité péninsulaire vaut la peine qu’on en parle, et ce n’est point là une conception paradoxale de l’esprit de système et d’archaïsme. Encore est-il si vrai que les souvenirs politiques sont le principal fondement d’un véritable esprit national que la difficulté capitale de l’établissement de l’unité italienne réside dans l’antiquité et la persistance des traditions qui en diversifient les élémens. Le temps seul, qui a incorporé à si grand’peine Gênes au Piémont, nous apprendra si les annexions qu’une politique hardie a commencées peuvent greffer d’une manière durable sur un même tronc les branches vigoureuses d’un arbre destiné à supporter tant de vents et d’orages.

A défaut de la nationalité, nos écrivains invoquent un autre principe : celui des frontières naturelles. Celui-ci a ce caractère d’être très souvent en contradiction avec celui-là. L’ethnographie et la topographie ne se sont pas toujours accordées ensemble, et les hommes ont été rarement les maîtres absolus de choisir leur domicile et de mesurer leur domaine sur la terre. Ce n’est pas que le principe des frontières naturelles soit nouveau. On lit dans Tite-Live : Non sine providentissimo deorum immortalium consilio Alpes Italiam et Galliam diviserunt. Les Français depuis Charles VIII l’ont souvent mis en oubli, ce conseil si éminemment providentiel, et l’Autriche répugne depuis bien plus longtemps à le prendre pour son compte, si bien qu’il a fallu que la France passât ces mêmes Alpes pour le lui rappeler. Espérons que les dieux immortels sont en train d’avoir raison, et que le principe des frontières naturelles, si heureusement uni pour l’Italie à celui de la nationalité, lui profitera dans un avenir définitif. N’en concluons pas néanmoins que l’on en puisse faire indistinctement et partout l’aveugle application et l’invoquer à tout propos. Si la nature a limité par la mer, les fleuves ou les montagnes certaines portions de la terre habitable, et dessiné elle-même certaines contrées, la nature n’a pas fait les nations ; leur existence est historique et non pas naturelle. Tandis que la nature est pour ainsi dire fatale, l’histoire est le champ de la liberté. C’est en vertu de la liberté humaine, c’est par suite de ces diversités que crée entre les hommes la volonté mue par le besoin, le calcul, la passion ou la fantaisie, mais surtout dirigée ou servie par les dons individuels de l’intelligence et du courage, que les enfans de Japet