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II.

Le sénat est le corps le plus puissant de l’état et celui auquel la constitution de 1852 a donné le plus d’action. Loin de souhaiter qu’il n’use pas des pouvoirs qui lui ont été confiés, l’empereur, on s’en souvient, s’est plaint, il y a quatre ou cinq ans, que le sénat ne fît point assez usage de ses droits. La constitution en effet veut (article 25) que « le sénat soit le gardien du pacte fondamental et des libertés publiques. » Elle ne veut probablement pas qu’il les garde comme dans un musée. Le sénat (article 29) « maintient ou annule tous les actes qui lui sont déférés comme inconstitutionnels par le gouvernement ou dénoncés pour la même cause par les pétitions des citoyens. » Le sénat ne reçoit pas seulement les pétitions des citoyens qui dénoncent des actes inconstitutionnels : il reçoit toutes les pétitions, de quelque genre qu’elles soient ; il en délibère. C’est par les pétitions que le sénat communique avec les citoyens, c’est par là qu’il entend leurs doléances et les transmet, quand il y a lieu, au gouvernement de l’empereur.

Sans doute le sénat a des droits plus importans que celui de recevoir les pétitions, mais il n’en a pas qui lui donne mieux les moyens de connaître l’opinion publique du pays et de l’éclairer par ses discussions. Je sais des publicistes qui, ayant étudié avec soin dans la constitution de 1852 les pouvoirs attribués au sénat, croient que ce corps a tout à la fois trop et trop peu de pouvoir : trop de pouvoir ; songez en effet ce qu’est un corps qui peut s’opposer à la promulgation de toutes les lois (article 26) ; qui règle par des sénatus-consultes, sans le concours du corps législatif, tout ce qui n’a pas été prévu par la constitution et qui est nécessaire à sa marche ; qui prononce sur le sens des articles de la constitution qui donnent lieu à différentes interprétations (article 27) ; qui peut annuler tous les actes qui lui sont dénoncés comme inconstitutionnels (article 29) ; qui prononce sur les mises en état de siège des départemens (article 12) ; qui peut mettre les ministres en accusation (article 13). Investi d’une si grande autorité, le sénat a dû sans doute se prescrire le devoir de tempérer sa force par la modération de son caractère.

En même temps qu’il a trop de pouvoir, le sénat aussi en a trop peu, disent les mêmes publicistes. Il ne peut pas amender les lois, il ne peut que les rejeter ; il n’a aucune autorité sur les finances et sur les impôts ; il serait enfin plus capable, s’il le voulait, de faire une révolution que d’exprimer simplement et fermement l’opinion publique. Tout cela serait vrai, selon moi, si le sénat n’avait pas le