Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/382

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la France, sous des expositions convenables, produirait un vin comparable à l’excellent tokai de Hongrie. Déjà de remarquables succès en ce genre ont été obtenus par un de nos savans viticulteurs, M. Cazalis-Allut, correspondant de la Société d’agriculture, qui obtint dans les concours régionaux de hautes récompenses pour son vin connu sous la dénomination de tokai-princesse.

Au nombre de nos principaux cépages, il faut encore comprendre les grenaches blanc et noir du Roussillon, le mataro noir, le carignane noir, tous quatre d’origine espagnole ; le malvoisie blanc jaunâtre, le muscat rond et doré de Rivesaltes, la roussane, qui, avec la variété marsanne et le petit chiraz, compose les excellentes cuvées de l’Ermitage ; le vionnier roux, qui concourt à la préparation des vins blancs de Condrieu et rouges de Côte-Rôtie ; le poulsard noir, dont on obtient dans le Jura seulement de bons vins rouges, blancs et mousseux ; le petit riesling jaune verdâtre, qui entre dans les meilleures cuvées du Johannisberg ; enfin la folle blanche, de nuance blanc verdâtre tachée de roux, consacrée presque exclusivement à la fabrication des vins qui produisent les célèbres eaux-de-vie de Cognac dans les Charentes et l’eau-de-vie d’Armagnac dans le Gers.

Toute l’histoire de l’établissement des cépages le mieux appropriés aux divers sols, expositions et climats de la France semble être à recommencer dans nos possessions de l’Algérie : les nombreuses tentatives faites par nos industrieux colons depuis la conquête n’ont en effet, pendant de longues années, abouti qu’à de tristes déceptions. Dans le plus grand nombre des plantations de vigne, le raisin sans doute pouvait facilement mûrir, et cependant la plupart des vins obtenus, rouges ou blancs, étaient en général troubles, dénués presque toujours de la finesse de bouquet qui distinguent nos grands crus de France : tantôt ils restaient longtemps trop sucrés, tantôt l’alcool s’y développait en trop forte proportion, et il n’était pas rare d’en rencontrer qui, loin de s’améliorer en vieillissant, acquéraient une odeur sensiblement putride. De temps à autre toutefois, de meilleurs résultats ranimaient les espérances des colons viticulteurs, et depuis quelques années plusieurs vins de l’Algérie se sont présentés avec avantage sur nos places de commerce. C’est que dans cette contrée, comme dans tout pays où se plaît la vigne, le choix des meilleurs plants à introduire ne peut se faire convenablement, si l’on n’a vérifié, pour chacun de ceux dont on essaie la culture sous des conditions variées de sol et d’exposition, les qualités des vins que l’on en doit obtenir. Plusieurs années se passent donc nécessairement avant que l’on ait obtenu un résultat positif ; encore arrive-t-il que les vicissitudes des saisons, les négligences accidentelles dans les soins de la culture, de la vendange et de la vinification