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par M. Boussingault, certains tremblemens de terre peuvent tenir à de pareils phénomènes, et l’état de solidité rigide ou de ramollissement des matières volcaniques contenues dans le sol a nécessairement influé sur les formes prises successivement par le relief[1].

M. Adhémar n’en repousse pas moins le rôle qu’on prête à l’action plutonienne, et, par d’autres motifs qu’il serait trop long d’exposer, il rejette les hypothèses accréditées, se livre à des évaluations approximatives sur l’étendue des glaces de l’hémisphère austral, afin de savoir si elles comportent une puissance d’attraction suffisante pour retenir les eaux dans leur emplacement actuel. Il interroge tous les voyages au pôle austral, et met en regard les dimensions de cette glacière et celles de la glacière boréale. En comparant le diamètre des coupoles de glaces des deux pôles, il trouve pour la calotte australe une longueur de mille lieues, tandis que l’autre atteint à peine cinq cents lieues en moyenne. Des calculs analogues lui font en outre assigner une épaisseur de près de vingt lieues à la première, chiffre prodigieux qu’il n’affirme pas, et dont M. Le Hon montre que nous devons beaucoup rabattre ; mais, sans nous tenir strictement à cette évaluation, disons qu’un fait paraît probable : c’est qu’il y a dans le voisinage du pôle antarctique une glacière qui exerce sur les eaux liquides une attraction sensible. Cette glacière est le résultat d’une longue et persistante action du froid, moins longue cependant qu’on ne serait tout d’abord tenté de le supposer, car M. Adhémar prouve que dans les Alpes, à une latitude de 45 degrés, il existe tel lieu où il pourrait se former en dix mille cinq cents ans, si les fontes périodiques ne se produisaient, une couche de glace ayant plus de onze lieues d’épaisseur.

Ceci posé, on comprend maintenant quelle influence la chaleur respective des deux hémisphères peut exercer sur la position des mers et combien l’accroissement calorifique de l’hémisphère austral, joint à la diminution correspondante du nôtre, tend à en changer la distribution. Qu’il se forme à notre pôle une glacière analogue à celle qui se trouve actuellement au pôle contraire, le centre de gravité du globe sera déplacé, et un déluge aura infailliblement lieu. Or, si les choses se passent ainsi, le cataclysme dont la tradition nous a gardé le souvenir et qui a précédé la distribution actuelle des eaux aurait été la conséquence du transport de la calotte de glace du pôle boréal au pôle austral. — Il faut remarquer cependant, dit M. Adhémar, que le mouvement subit des eaux doit coïncider avec

  1. Les corps diminuent en général de volume en raison de la chaleur qu’ils perdent ; il en résulte que le noyau liquide de la terre a dû diminuer plus que son écorce, ou, en d’autres termes, que celle-ci, devenant trop grande pour celui-là, a dû se bosseler. J.-J. d’Omalius d’Halloy, Abrégé de Géologie, p. 420.