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réaliser. Un secours inespéré arrivait tout à coup du côté de l’Angleterre, et plus tard le sentiment général du monde indigné coupait court à ce débordement de pirates. Si je voulais me prévaloir de l’axiome : post hoc, ergo propter hoc, le voyage dont je raconte ici quelques épisodes n’aurait peut-être pas été complètement étranger à ces subites déterminations en faveur de l’Amérique centrale ; mais je me garderai bien de blesser ainsi de superbes susceptibilités qui déjà s’en sont attribué tout l’honneur. Il doit me suffire que les assurances que je croyais pouvoir donner d’une inévitable intervention européenne aient été confirmées par l’événement.

En présence de cette situation si agitée, je reconnus combien il est regrettable qu’il n’y ait pas de consul de France à Costa-Rica, à San-Juan-del-Norte, ni même au Nicaragua, On en est encore, sous ce rapport, au premier état de choses créé par la révolution de 1821. Chacun sait que cette révolution, en détachant les colonies espagnoles de leur métropole, avait transformé la vice-royauté de Guatemala en une république fédérative, composée de cinq provinces, dont la ville de Guatemala restait le chef-lieu. Chacune de ces provinces est devenue depuis un état indépendant, reconnu par toutes les puissances, accréditant des agens officiels et signant des traités de commerce avec les chancelleries de France et d’Angleterre. La logique de ce changement radical exigeait une transformation analogue dans la représentation française vis-à-vis des nouveaux états ; mais la logique et la diplomatie ne s’entendent pas toujours. Le chargé d’affaires de France à Guatemala est encore aujourd’hui, comme il y a vingt ans, notre seul représentant sur ce vaste territoire, qui comprend cinq nationalités souveraines et indépendantes, et comme Guatemala touche à l’extrémité nord de l’ancienne confédération et qu’elle est placée en dehors de tout transit, il faut à peu près renoncer à la protection française dans les quatre états de San-Salvador, Honduras, Nicaragua et Costa-Rica, à moins qu’on ne rencontre à la Union, sur le golfe de Fonseca, un agent secondaire sans crédit, nommé par la légation et qui ne communique qu’avec elle. En revanche, si l’on est Américain ou Anglais, on trouve un ministre plénipotentiaire au Nicaragua, le point central de l’isthme, et des consuls dans tous les états, je dirai presque dans toutes les villes. Il n’est pas jusqu’au sénat de Hambourg qui n’accrédite des agens directs et spéciaux à Grey-Town, à Punta-Arenas et sur tous les points où son pavillon commercial peut avoir besoin de concours ou d’informations.

La plus grave conséquence de cette représentation insuffisante de la France est d’imprimer à sa politique une direction hasardée, provenant de la fausse position imposée à notre chargé d’affaires, quel que soit son mérite personnel. Deux causes principales contribuent à