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dit la chronique, ses portes à Philippe-Auguste ; elle avait donc des remparts, et ce fut longtemps son malheur. Dominée de tous côtés, jamais place ne fut plus mal à propos fortifiée, ni plus évidemment condamnée à succomber toutes les fois qu’elle serait investie. De 1346 à 1449, Honfleur fut deux fois pris par les Anglais, qui y exercèrent des cruautés inouïes, et deux fois repris par les Français. Les guerres de religion ne lui furent pas moins désastreuses de 1562 à 1598. Les protestans, aidés en 1563 par les Anglais, l’enlevèrent deux fois, pour ne le garder que quelques semaines ; mais ils n’en rendirent guère que les cendres. Enfin en 1681 les fortifications, par-dessus lesquelles plongeait le canon de l’assiégeant, furent rasées, et depuis, aussi bien gardée du côté de la mer par les bancs de son atterrage qu’elle est vulnérable du côté de la terre, la ville n’a point été attaquée. Un camp formé en 1756 sur les hauteurs de Grâce a montré comment il faudrait, à l’occasion, la défendre.

En dépit de ces dévastations périodiques, Honfleur grandissait comme ville maritime. L’énergie de ses habitans semblait se retremper dans le sang et dans le feu, et chaque désastre y provoquait une recrudescence d’activité. C’est ainsi qu’en 1457, huit ans seulement après l’expulsion des Anglais, la ville arma l’expédition qui, sous le commandement de Pierre de Brézé, mit à rançon l’île de Wight, Portsmouth, et revint chargée de dépouilles. Fortifiées par les mesures que prit Louis XI pour réparer en Normandie les ravages de la guerre, la marine d’Honfleur et celle de Dieppe donnèrent à la France une part dans les grandes entreprises navales de la fin du XVe siècle et du commencement du XVIe. La navigation, qui n’était auparavant qu’un métier, se préparait à devenir une science. Les pillotes de la noble ville de Honnefleur furent au premier rang de ceux qui fournirent à Pierre Ferrandu les matériaux du Grant Routtier et Pillotage de la Mer, qui, composé en 1483 et imprimé en 1520, est le plus ancien des livres d’hydrographie modernes. Les côtes de France, Bretaigne, Engleterre, Espaigne, Flandres et aultres Allemaignes y sont décrites. C’était à peu près tout ce qui intéressait les navigateurs de l’Océan au moment où Christophe Colomb et Vasco de Gama leur ouvrirent de nouveaux horizons.

L’impulsion donnée par l’Espagne et par le Portugal fut sentie à Honfleur. Au mois de juin 1503, Binot-Paumier de Gonneville en partit pour un voyage de découvertes à l’est du cap de Bonne-Espérance. L’ancien cap des Tempêtes se montra à nos Normands digne de son premier nom, Assaillis par d’affreuses tourmentes, ils cherchèrent au sud une terre dont le vol des oiseaux de mer leur faisait présumer l’existence ; ils la trouvèrent, et mouillèrent à l’entrée d’une