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UNE THESE
SUR LE MARIAGE
EN DEUX ROMANS

I. « The Bertrams », by Anthony Trollope, third edition, 1 vol. London 1860. — II. « Castle-Richmond », by the same, three vols. London 1860.

Fils d’une femme d’esprit qui ne pécha jamais par excès d’indulgence et dont la sévérité caustique s’explique assez par l’âge inusité où elle prit la plume, — à cinquante ans on voit difficilement la vie sous son plus beau jour, — M. Anthony Trollope s’est fait depuis peu d’années une place très honorable parmi ces conteurs froidement impartiaux, cruellement exacts, loyalement implacables, dont l’avènement littéraire est un des « signes » de notre temps. Observateur aussi subtil, analyste aussi perspicace que pas un d’entre eux, il a son cachet particulier, que nous voudrions avant tout définir. C’est une sorte de gaieté amère, une misanthropie de bonne humeur, une indifférence, une placidité sarcastique dont l’effet, ménagé avec beaucoup d’art, ne se produit qu’à la longue, mais se produit alors avec d’autant plus de puissance. le commun des romanciers procède par sympathies ou antipathies en bloc ; ils ont leurs héros et leurs traîtres. Ni traîtres ni héros dans les récits de M. Trollope. Il n’aime ni ne hait guère aucun de ses personnages. Il les voit avec le regard froid et lucide du savant que rien ne passionne, si ce n’est la science même. Il les dépouille volontiers non-seulement de tout masque, mais de tout prestige. Il n’entend pas