Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 29.djvu/722

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

abandonne à l’action de l’air plus ou moins humide, et souvent l’on favorise cette action en les recouvrant de terre. Dès que l’extinction est complète, c’est-à-dire aussitôt que la chaux est entièrement réduite en une poudre blanche très fine, on la répartit uniformément sur toute la superficie du champ, que l’on soumet ensuite aux façons usuelles des labours, hersages, etc.

Voici comment on explique les effets extrêmement avantageux que l’on réalise par cette méthode de chaulage, à la condition, bien entendu, que l’on continuera d’employer les quantités ordinaires de fumier ou autres engrais organiques équivalens[1]. La chaux, en agissant sur les argiles qui contiennent du silicate de potasse, met cette base en liberté, et lui permet d’exercer son action alcaline, en même temps que cette alcalinité même détermine la combustion lente des débris ligneux des précédentes récoltes, produit ainsi de l’acide carbonique utile aux plantes, et dégage les composés minéraux que ces restes de racines et de chaume avaient puisés dans le sol. La chaux se combine encore soit avec l’acide carbonique retenu dans la terre, soit avec le même gaz que l’air atmosphérique en mouvement lui apporte sans cesse. Le composé calcaire qui se forme alors doit nécessairement agir dans la nutrition des plantes à la manière des carbonates de chaux naturels, mais avec une énergie bien plus grande, en raison de sa division extrême, qui permet aux eaux pluviales, chargées elles-mêmes d’acide carbonique, de dissoudre facilement ce carbonate et de l’introduire par les radicelles dans le courant de la sève montante. Enfin la chaux ainsi carbonatée exerce, comme les marnes calcaires, un effet mécanique sur les terres argileuses, en les empêchant de se fendiller par la dessiccation.

Un autre engrais minéral à base de chaux est généralement connu sous les noms de plâtre, gypse, albâtre gypseux et sulfate de chaux. Les exploitations des carrières à plâtre dans trente-huit de nos départemens le fournissent en abondance. On peut employer le sulfate de chaux destiné à l’agriculture soit à l’état naturel, soit après lui avoir enlevé, par une calcination ménagée, son eau de cristallisation, qui représente 20 pour 100 de son poids. C’est cette dernière méthode que l’on suit de préférence, en raison de la facilité de l’écrasage du plâtre cuit, tandis que le broyage du plâtre cru serait plus dispendieux et ne produirait pas une poudre aussi fine. Quant aux effets produits par le plâtre, les observations nombreuses des chimistes et des agriculteurs constatent que les matières organiques

  1. Faute de cette précaution, l’influence de la chaux, facilitant l’assimilation des débris organiques contenus dans le sol, ne tarderait pas à l’épuiser ; de là ce proverbe bien connu dans les campagnes : la chaux enrichit le père et ruine les enfans. Quelques fermiers ont parfois mis en usage ce moyen d’obtenir à moine de frais d’abondantes récoltes pendant les dernières années de leur bail.