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Jamais nouvelle n’arriva plus à propos, et même on prit la liberté de croire que tout était arrangé d’avance, ce qui au fond n’aurait pu être blâmé de personne; mais sa majesté l’impératrice nous ayant attesté hier de sa propre bouche l’heureux hasard, nous pouvons l’en croire. Enfin il est permis de penser que nous avons vu le dernier acte.. On parle diversement de la résolution prise par les souverains d’épargner la vie de Bonaparte. Prenons la chose par le bon côté, et admirons la philosophique humanité qui épargne ce féroce ennemi du genre humain. »

Que deviennent au milieu de tout cela les intérêts de la Sardaigne et ceux de la Savoie, plus chers encore au cœur du comte de Maistre? « L’histoire de la politique, dit-il quelque part, n’est qu’un amas de noirceurs, » et c’est surtout à l’Autriche, cette ennemie éternelle de tout ce qui est italien, qu’il prend à tâche d’appliquer cette parole. Il ne cesse de mettre la Sardaigne en garde contre cette puissance. Dès 1811, il écrit : « Un préjugé qu’on rencontre assez souvent dans les plus hautes régions, c’est celui qui confond une maison avec un cabinet, quoique rien ne soit plus différent. Toutes les maisons sont respectables, et je suis à genoux devant elles, quelles que soient leurs dimensions; mais quant aux cabinets, c’est autre chose : je me réserve la liberté d’en juger sans la moindre gêne. Il y a douze ans environ que l’excellent empereur François II ou Ier disait à un sujet distingué de sa majesté : Comment a-t-on pu croire que je voulais m’approprier quelques possessions du roi de Sardaigne? Qui, moi? — Certaines personnes auront pu rire avec irrévérence de cette phrase; mais, pour moi, je ne suis pas si méchant, ni si impertinent, ni si injuste. Je crois à la bonne foi qui la prononçait; mais c’est la maison qui disait cela : qu’est-ce que cela fait au cabinet qui est plus fort que la maison, qui la mène et qui la flétrira même, s’il y trouve son profit?... Voyez le principe établi dès l’an 1789 et qui a tout mené par rapport à nous : Le roi de Sardaigne, placé entre nous et la France, était invulnérable à cause de l’équilibre ; maintenant qu’il aurait horreur de s’allier avec une horde de régicides, il est à nous; nous en ferons à notre plaisir. — Autre principe non moins lumineux : tout ce qu’on prend sur l’ennemi est à nous, même le bien de l’ami ; en conséquence ne défendons le Piémont qu’autant qu’il faut pour agacer les Français, puis nous le reprendrons sur eux. — qui, moi?

« Et lorsqu’un ministre étranger de ma connaissance particulière et fort attaché à nos augustes maîtres disait à M. Gherardini : Mais à quoi pensez-vous donc de défendre aussi mal ce pays? Le ministre de famille répondait : — Laissez, laissez-les faire, mon cher! Lorsqu’ils auront conquis, nous tomberons dessus et nous reprendrons tout (pour nous).

« Par une suite du même principe, on volait Bologne au chef de la chrétienté, qui n’est en guerre avec personne et qui est véritablement le prince de la paix; mais Bologne avait été prise la veille par les Français : donc, etc. Cela saute aux yeux.

« Et lorsque les Vénitiens écrivent à l’archiduc : Monseigneur., B. s’est trop avancé ; il est perdu si vous voulez ; nous sommes derrière lui avec toutes les forces de l’état. Voulez-vous agir de concert? L’Europe est sauvée, — ce prince envoie la dépêche au cabinet, et le cabinet l’envoie à B. en lui disant : Voilà ce qu’on projette contre vous; voulez-vous partager avec