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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 31.djvu/11

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Ce même jour, 11 novembre, avec le plein assentiment du roi et du conseil, j’adressai à M. Casimir Périer, qui se trouvait chargé d’affaires à Saint-Pétersbourg pendant l’absence de notre ambassadeur, M. de Barante, alors en congé, ces instructions :

« Monsieur,

« M. le comte de Pahlen a reçu l’ordre fort inattendu de se rendre à Saint-Pétersbourg, et il part aujourd’hui même. Le motif allégué dans la dépêche de M. le comte de Nesselrode, dont il m’a donné lecture, c’est que l’empereur, n’ayant pu le voir à Varsovie, désire s’entretenir avec lui. La cause réelle, et qui n’est un mystère pour personne, c’est que, par suite de l’absence de M. le comte Appony, l’ambassadeur de Russie, en qualité de doyen des ambassadeurs, se trouvait appelé à complimenter le roi, le premier jour de l’an, au nom du corps diplomatique. Lorsqu’il est allé annoncer au roi son prochain départ, sa majesté lui a dit : « Je vois toujours avec plaisir le comte de Pahlen auprès de moi, et je regrette toujours son éloignement ; au-delà, je n’ai rien à dire. » Pas un mot ne s’est adressé à l’ambassadeur.

« Quelque habitué qu’on soit aux étranges procédés de l’empereur Nicolas, celui-ci a causé quelque surprise. On s’étonne dans le corps diplomatique, encore plus que dans le public, de cette obstination puérile à témoigner une humeur vaine, et, si nous avions pu en être atteints, le sentiment qu’elle inspire eût suffi à notre satisfaction. Une seule réponse nous convient. Le jour de la Saint-Nicolas[1], la légation française à Saint-Pétersbourg restera renfermée dans son hôtel. Vous n’aurez à donner aucun motif sérieux pour expliquer cette retraite inaccoutumée. Vous vous bornerez, en répondant à l’invitation que vous recevrez sans doute, suivant l’usage, de M. de Nesselrode, à alléguer une indisposition.

« P. S. Je n’ai pas besoin de vous dire que jusqu’au 18 décembre vous garderez, sur l’ordre que je vous donne quant à l’invitation pour la fête de l’empereur, le silence le plus absolu. Et d’ici là vous éviterez avec le plus grand soin la moindre altération dans vos rapporte avec le cabinet de Saint-Pétersbourg. »

Quelques jours après, le 18 novembre, j’écrivis de plus à M. Casimir Périer :

« Aussitôt après le 18 décembre vous m’enverrez un courrier pour me rendre compte de ce qui se sera passé, et au premier jour de l’an vous devrez paraître à la cour et rendre vos devoirs à l’empereur, comme à l’ordinaire. »

  1. 18 décembre selon le calendrier russe.