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flots, des écueils, des îles, des archipels entiers. Ce curieux phénomène, constaté d’abord dans l’Océan-Pacifique, où il se développe sur une échelle immense, se retrouve dans le golfe du Mexique, et a été pour M. Agassiz le sujet d’études approfondies. Ce naturaliste croit pouvoir préciser le temps qu’ont mis à se former quatre récifs de corail remarquables par leur disposition concentrique, et qu’il a trouvés à l’extrême pointe méridionale de la Floride. D’après ses calculs, il aurait fallu environ huit mille années pour les amener à leur état actuel. Bien plus, la Floride elle-même, dans une étendue de 2 degrés en latitude, lui paraît n’être composée que de récifs de corail élevés de même par les polypes, et soudés les uns aux autres par l’action des siècles. Il estime à deux cent mille années environ le temps nécessaire à la formation de cette presqu’île. Or les roches de cette terre, les masses de ces récifs, d’origine essentiellement animale, nous montrent des polypiers, des coquilles identiques à ceux qu’on pêche encore aujourd’hui, pleins de vie, dans toutes les mers voisines. Ainsi, d’après M. Agassiz, les mollusques, les zoophytes du golfe du Mexique, auraient conservé tous leurs caractères pendant deux mille siècles.

On le voit, les partisans de l’invariabilité s’appuient sur des faits importans bien observés et sur des argumens sérieux. Ils peuvent dire à leurs adversaires : Nous poursuivons un certain nombre d’espèces végétales ou animales jusqu’aux premiers temps de l’histoire, jusqu’à six ou huit mille ans en arrière, et nous les voyons semblables à ce qu’elles sont aujourd’hui. Nous dépassons les limites de l’époque géologique actuelle, et nous retrouvons encore certaines espèces identiques à ce qu’elles sont de nos jours. En outre, parmi ces espèces qui ont assisté à la dernière révolution de notre globe, toutes n’ont pu supporter les nouvelles conditions d’existence qui leur étaient faites. De celles-ci, les unes ont émigré, sans pour cela se modifier ; d’autres ont disparu. Pourquoi admettre que ces dernières sont les ancêtres immédiats de nos espèces actuelles ? Nous ne connaissons ces animaux éteints que par leurs restes fossiles ; mais ces restes suffisent pour faire reconnaître entre eux et ceux qu’on veut regarder comme leurs petits-fils des différences parfois très grandes. Où sont les traces des modifications progressives qui auraient inévitablement relié entre elles ces formes diverses, si elles dérivaient en effet les unes des autres ? Nulle part. À en juger par, tous les faits connus, par toutes les expériences possibles, la transformation, la variation de l’espèce est donc une pure hypothèse, et la vérité ne peut être que dans la doctrine de la fixité.

Telle est en résumé l’argumentation de Cuvier, de Blainville et de leurs disciples plus ou moins avoués ; mais, nous l’avons vu, sous