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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 31.djvu/295

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cardinal d’York, qui fit célébrer solennellement le service funèbre avec tout l’appareil usité pour les rois. L’année suivante, le 14 novembre 1789, la duchesse Charlotte d’Albany, fidèle jusqu’à la mort à sa sainte et douloureuse mission, allait retrouver son père au fond de la tombe.

Si nous avions à poursuivre ici l’histoire du dernier Stuart, il faudrait signaler la proclamation par laquelle le cardinal d’York, revendiquant le trône de ses aïeux, se déclara substitué, malgré son titre de prince de l’église, aux droits de son frère aîné Charles III, et prit le nom de Henri IX, proclamation dont le pape Pie VI loua la forme judicieuse et sensée dans une lettre au cardinal Negroni. Il faudrait signaler aussi la médaille frappée à Rome à cette occasion, étrange monument historique où l’on voit d’un côté le portrait du cardinal avec cette inscription en latin : Henri IX, roi de Grande-Bretagne, de France et d’Irlande, défenseur de la foi, cardinal, évêque de Frascali, et sur le revers ces mots : Non desideriis hominum, sed voluntate Dei. 1788. Un sujet plus sérieux nous attire ; laissons-là cet incident qui mérite à peine une mention, et cherchons ce que devient l’épouse infidèle de Charles-Edouard. La comtesse Louise d’Albany était à Paris depuis quelques semaines, en compagnie de l’auteur d’Antigone et de Marie Stuart, lorsqu’elle apprit la mort du prince dont elle portait le nom. Qu’éprouva-t-elle en recevant ce message ? Fut-ce pour la brillante pécheresse l’occasion d’un remords, d’un regret, d’un retour sérieux et attristé sur elle-même ? Y a-t-il enfin une conclusion morale à la première partie de cette histoire ?

Oui, l’adultère a beau s’entourer de mille excuses et se parer de tous les prestiges de la poésie, l’heure de la punition finit toujours par sonner. Sous une forme ou sous une autre, le juge invisible sait atteindre les coupables. Certes on ne peut blâmer la comtesse d’Albany de s’être soustraite aux mauvais traitemens de Charles-Edouard ; dès le jour où il viola tous ses devoirs, Charles-Edouard n’avait plus de droits sur elle. Une fois libre cependant, une fois arrachée à ce joug odieux, comment absoudre la femme qui ne sut pas se respecter ? Selon le cours ordinaire des choses, de telles fautes le plus souvent sont punies par la faute même ; le désenchantement, le dégoût, l’abandon, voilà presque toujours le réveil qui suit ces illégitimes transports. C’est le châtiment que des romanciers habiles nous ont tant de fois montré dans leurs meilleures peintures ; ce n’est pas le seul toutefois, et la Providence, en ses combinaisons infinies, a des ressources d’imprévu que nous ne soupçonnons pas. Le grand poète qui a créé le monde moral et qui y déroule tant de tragédies secrètes est toujours nouveau et toujours