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contraste avec la douleur des autres, c’est le jour même où notre cour se préparait à célébrer la fête de Mme la grande-duchesse Olga que nous est parvenue cette déplorable nouvelle. En présence d’un si grand malheur, toutes manifestations de joie devaient se taire. Immédiatement le bal qui allait avoir lieu dans la soirée a été contremandé, et toute la cour a reçu l’ordre de prendre dès le lendemain le deuil pour le jeune prince.

« Veuillez, monsieur, témoigner au gouvernement français la part que prend notre auguste maître à un événement qu’indépendamment de la tristesse qu’il a répandue sur la famille royale, sa majesté envisage comme une calamité qui affecte la France entière. L’empereur vous charge plus particulièrement, tant en son nom qu’en celui de l’impératrice, d’être auprès du roi et de la reine l’interprète de ses sentimens. Ne pouvant leur offrir des consolations. qui, en pareil cas, ne sauraient leur venir que d’une religieuse soumission aux volontés de la Providence, il espère que le roi trouvera dans sa fermeté, comme aussi la reine dans ses pieuses dispositions, les forces d’esprit suffisantes pour soutenir la plus cruelle douleur qu’il soit donné de ressentir.

« Vous exprimerez ces vœux au monarque français en lui portant les témoignages du regret de notre auguste maître. Votre langage sera celui d’une affectueuse sympathie, car le sentiment qui inspire en cette occasion sa majesté ne saurait être plus sincère. »


Quand ma lettre du 11 août arriva à Saint-Pétersbourg, elle n’y trouva plus M. Casimir Périer ; il en était parti aussitôt après l’arrivée du baron d’André, second secrétaire de l’ambassade de France en Russie, qui lui avait apporté son congé, et qui le remplaça comme chargé d’affaires. Bien connu à Saint-Pétersbourg, où il résidait depuis plusieurs années, M. d’André avait pour instruction de ne témoigner aucun empressement à y reprendre ses relations et ses habitudes, et de garder sans affectation la même attitude que M. Casimir Périer jusqu’à ce que la société russe en changeât elle-même. Ce changement s’accomplit peu à peu, avec un mélange de satisfaction et d’embarras, et à la fin de l’année 1842 il ne restait plus, entre la légation de France, et la cour de Russie, aucune trace visible de l’incident du 18 décembre 1841 ; mais rien n’était changé dans l’attitude personnelle de l’empereur Nicolas envers le roi Louis-Philippe : les deux ambassadeurs demeuraient en congé, et personne ne paraissait plus s’inquiéter de savoir quand ils retourneraient, M. de Pahlen à Paris et M. de Barante à Saint-Pétersbourg, ni même s’ils y retourneraient un jour.

Le 5 avril 1843, le chargé d’affaires de Russie, M. de Kisselef,